Depuis l'aurore, deux frères lais se relayaient à la grosse cloche de l'abbaye de Montsalvy qui n'avait pas cessé de sonner sur le mode joyeux qu'imposait un si beau jour. Ils avaient les bras si fatigués qu'à la sortie de la grand'messe il fallut que l'abbé Bernard de Calmont leur envoyât du renfort : ils n'en pouvaient plus. Mais il faut dire qu'ils n'avaient jamais été aussi contents non plus. Sur les remparts, cependant, les trompettes sonnaient presque sans discontinuer.
Il y avait trois jours qu'affluaient, à la porterie du grand château neuf dont les tours blanches dominaient les vallées profondes, litières et cavaliers, chariots et hommes d'armes, pages et suivantes, et que tout le village était sur les dents. On disait que dame Sara, qui gouvernait au château servantes, chambrières et cuisiniers, ne savait plus, malgré sa grande expérience, où donner de la tête, que l'on avait dû réquisitionner la maison des hôtes de l'abbaye pour loger tout ce monde, et même des maisons du village. Mais maintenant tout était en ordre et, autour du brillant cortège qui sortait de l'église et regagnait le château, il n'y avait plus qu'une allégresse sans mélange. Tout le village était pavoisé, depuis les ruisseaux jusqu'au faîte des maisons.
On avait sorti les plus beaux draps, les plus belles tentures des coffres de mariage, on les avait ornés des fleurs tardives et des branches éclatantes de l'automne. Les vêtements du dimanche, en fine laine et en belle toile, brodée souvent, se tendaient fièrement sur les dos tandis que les bonnets de laine se redressaient avec arrogance et que les coiffes de lin avaient toutes l'air de s'envoler. Les filles avaient tressé des rubans neufs dans leurs cheveux et les garçons avaient une manière de camper leur bonnet sur l'œil et de dévisager les jouvencelles qui laissait prévoir qu'après la danse, quand la nuit serait venue, plus d'un couple irait se perdre dans les bois proches.
En résumé, c'était, pour Montsalvy, la plus grande fête vécue depuis plusieurs dizaines d'années. On célébrait à la fois la prospérité retrouvée, l'inauguration du nouveau château, la réinstallation définitive des seigneurs, messire Arnaud et dame Catherine, dans leurs terres, enfin, le baptême de la jeune Isabelle, la petite fille à laquelle la jeune femme venait de donner le jour.
Toute la noblesse, à vingt lieues à la ronde, était venue. On se montrait, avec respect, les nobles seigneurs venus de la Cour porter aux maîtres de la petite cité leurs compliments ; et aussi les capitaines du Roi qui, après l'avoir cru mort pendant si longtemps, retrouvaient avec une joie bruyante leur ancien compagnon d'armes. Mais la grande merveille, c'étaient le parrain et la marraine... Ils allaient en tête du cortège, juste derrière le bébé que dame Sara, toute vêtue de velours pourpre et de dentelles de Bruges, portait fièrement dans ses bras, et, à leur approche, les bonnes gens de Montsalvy mettaient genou en terre, un peu ébaubis, vaguement inquiets, mais surtout immensément fiers de l'honneur fait à leur petite cité. On n'a pas tous les jours, au cœur de l'Auvergne, l'orgueil de saluer une reine et un connétable de France ! Car la marraine, c'était la reine Yolande d'Anjou, imposante et belle sous la couronne étincelante qui retenait ses voiles noirs brodés d'or ; le parrain, c'était Richemont, vêtu d'or et de velours bleu, un chaperon orné d'énormes perles coiffant son visage balafré. Il menait la Reine par la main au long des tapis que l'on avait étendus à même la terre battue de la rue, sous une pluie de pétales et de feuilles que les jeunes filles déversaient sur eux. Tous deux répondaient de la main et du sourire aux vivats et aux acclamations de la foule enthousiaste, heureux de cette fête champêtre à laquelle leur présence donnait l'éclat d'une fête royale.
Ensuite, venaient des dames, entourant Madame de Richemont qui semblait mener une fragile et scintillante forêt de hennins multicolores. Puis des seigneurs aux mines rudes parmi lesquels on se montrait le célèbre et redoutable La Hire, qui faisait de son mieux pour paraître aimable, et le fastueux Poton de Xaintrailles, magnifique en velours vert doublé d'or. Mais la plus belle, chacun à Montsalvy en demeurait d'accord avec un légitime orgueil, c'était dame Catherine...
Depuis plusieurs mois qu'elle avait ramené triomphalement messire Arnaud dans le pays de ses pères, sa beauté semblait s'être encore épanouie et atteignait un degré de perfection, un poli qui faisait de chacun de ses gestes un poème, de chacun de ses sourires un enchantement. Ah oui, le bonheur lui allait bien ! Et, dans l'azur et l'or de sa toilette, sous l'immense nuage de mousseline qui tombait de son hennin, elle avait l'air d'une fée... C'était bien la plus belle et messire Arnaud, qui la menait par la main avec orgueil, en semblait intimement persuadé. Lui portait un sobre costume de velours noir, orné seulement d'une lourde chaîne de rubis, comme s'il eût voulu, par la simplicité de sa mise, rehausser encore l'éclat de sa femme. Et les bons paysans se sentaient tout attendris en les voyant se regarder sans cesse et se sourire comme de jeunes amoureux.
Au vrai, jamais Catherine n'avait été aussi heureuse. Ce jour d'octobre 1435 était certainement le plus beau de sa vie parce qu'il avait ramené autour d'elle tous ceux qu'elle aimait. En descendant la rue pavoisée de Montsalvy, sa petite main bien serrée dans celle d'Arnaud, elle songeait qu'au château l'attendaient sa mère qu'elle avait retrouvée, après tant d'années, avec une joie presque trop forte, et aussi son oncle Mathieu, bien vieilli mais encore gaillard et qui, depuis son arrivée, passait ses journées à trotter à travers tout le pays en compagnie de Saturnin, le vieux bailli, devenu son inséparable. Seule, sa sœur Loyse n'était pas venue, mais une religieuse cloîtrée n'appartient plus au monde, et celle qui était, depuis six mois, la nouvelle abbesse des bénédictines de Tart avait seulement envoyé, par un messager, sa bénédiction à l'enfant...
— A quoi penses-tu ? demanda soudain Arnaud qui regardait sa femme en souriant depuis un moment.
— A tout cela... A nous ! Est-ce que tu aurais vraiment cru que l'on pouvait être aussi heureux ? Nous avons tout : le bonheur, de beaux enfants, d'excellents amis, une famille, les honneurs et même une grande fortune...
Cela, c'était à Jacques Cœur qu'ils le devaient. L'argent du fameux diamant noir, convenablement employé par lui, était en train de se muer en une fabuleuse fortune et, tout en bâtissant son avenir, tout en commençant à réaliser le plan grandiose qu'il avait conçu pour le relèvement de son pays, le pelletier de Bourges, en passe de devenir Argentier de France, rendait au centuple à ses amis les biens qu'il en avait reçu dans les temps difficiles.
— Non, reconnut honnêtement Arnaud, je n'aurais jamais cru que ce fût possible. Mais, ma mie,, est-ce que nous ne l'avons pas un peu mérité ? Nous avons tant souffert, toi surtout...
— Je n'y pense même plus. Mon seul regret, c'est l'absence de dame Isabelle, ta mère...
— Elle n'est pas absente. Je suis certain qu'elle nous voit, qu'elle nous entend de ce lieu mystérieux où elle a dû retrouver le grand Gauthier... et puis, ne l'avons- nous pas réincarnée ?
C'était vrai. Isabelle, le bébé, ne ressemblait en rien à sa mère. Elle joignait aux yeux bleus de la grand-mère le profil impérieux des Montsalvy en général et les cheveux noirs de son père en particulier.
D'après Sara, elle menaçait même d'en avoir aussi le caractère indomptable et irascible.
— Quand on lui fait attendre, si peu que ce soit, son lait, soupirait l'ancienne bohémienne promue gouvernante, elle hurle à faire tomber les murs...
Pour le moment, la jeune Isabelle dormait d'un profond sommeil dans les bras de l'excellente femme, parmi les soies et les dentelles de sa robe précieuse. Le vacarme des hautbois, des cabrettes et des fifres qui faisaient rage autour d'elle ne paraissait pas la déranger. L'un de ses poings minuscules refermé sur le pouce de Sara, elle semblait capable de soutenir, sans même ouvrir un œil, le bruit même d'un canon.
Mais elle ne résista pas à l'assaut de deux personnages qui se ruèrent sur elle dès qu'elle apparut, avec son cortège, dans la cour du château où étaient massés serviteurs, hommes d'armes et servantes : un petit garçon de trois ans, dont les cheveux dorés brillaient dans le soleil, et une grande et grosse dame, toute vêtue de pourpre et d'or : son frère Michel et dame Ermengarde de Châteauvillain, marraine honoraire.
Malgré la défense, respectueuse mais énergique de Sara, et les cris de Michel qui, lui aussi, voulait s'emparer d'Isabelle, Ermengarde l'emporta de haute lutte et se précipita, avec son trophée qui s'était mis à hurler, dans la grande salle blanche toute tendue de tapisseries où un festin était servi. Derrière elle et sur les pas du parrain et de la marraine, tout le cortège s'engouffra dans le château qui, bientôt, retentit de cris, de rires et des accords de luth des musiciens qui devaient accompagner le repas.
Tandis que sous la direction de Josse, intendant du château, et de sa femme Marie, tout le village s'installait aux longues tables disposées dans la grande cour près d'énormes feux où cuisaient des moutons entiers et une foule de volailles, tandis que les ménestrels attaquaient les premières caroles sous les arbres du verger déjà envahi de jeunes filles, tandis que les sommeliers mettaient en perce les futailles de vin et les barriques de cidre, le plus somptueux festin jamais vu de mémoire d'Auvergnat commença dans la grande salle.
Quand, après- les innombrables plats, pâtés, venaisons, poissons, paons présentés avec toutes leurs plumes, sangliers dressés sur des lits de pommes et de pistaches avec leurs défenses et leur chair farcie d'épi- ces fines, les valets apportèrent les tourtes, les confitures, les nougats, les crèmes et tous les autres desserts accompagnés de vins d'Espagne et de Malvoisie, Xaintrailles se leva et réclama le silence.
Tenant en main sa coupe pleine, il salua la Reine et le Connétable puis se tourna vers ses hôtes :
— Mes amis, dit-il d'une voix forte, avec la permission de Madame la Reine et de Monseigneur le Connétable, je veux vous dire la joie qui est la nôtre aujourd'hui d'assister avec vous à la résurrection de Montsalvy, en même temps qu'au renouveau de notre pays. Partout, en France, la guerre recule, l'Anglais, là où il s'accroche encore, n'en a plus pour longtemps. Le traité, que notre Roi vient d'accorder au duc de Bourgogne, à Arras, s'il n'est pas un modèle du genre, a du moins le mérite de terminer une guerre impitoyable entre gens d'un même pays. Il n'y a plus d'Armagnacs, plus de Bourguignons ! Il n'y a plus que les fidèles sujets du roi Charles le Victorieux que Dieu nous veuille conserver en santé et puissance !...
Xaintrailles s'arrêta pour reprendre haleine et pour laisser s'éteindre les vivats ! Il jeta autour de lui un regard vif et satisfait puis ses yeux bruns s'arrêtèrent sur Arnaud et sur Catherine qui le regardaient en souriant, la main dans la main :
Arnaud, mon frère, reprit-il, nous t'avions cru perdu, tu nous es revenu et c'est très bien ainsi. Je ne vais pas te dire ce que je pense de toi, tu le sais depuis longtemps. Donc, passons !... Mais vous, Catherine, qui, à grand amour et à grand péril, êtes allée réclamer votre époux jusqu'aux portes mêmes de la mort, vous qui avez vaillamment combattu, à la place de Montsalvy, pour que tombe enfin La Trémoille, notre mauvais génie, vous qui nous avez aidés à compléter l'œuvre de la Sainte Pucelle, je veux vous dire, à vous, combien vous nous êtes chère et combien nous sommes heureux et fiers d'être, aujourd'hui, vos hôtes et, en tous temps, vos amis ! Peu d'hommes auraient été capables de votre courage, mais peu d'hommes aussi ont au cœur l'amour fidèle qui depuis tant d'années occupe le vôtre !
« Les mauvais jours, trop nombreux, que vous avez connus, sont terminés. Vous avez devant vous une longue vie de bonheur et d'amour... et la joyeuse perspective de toute une génération de Montsalvy de bonne race à mettre sur pied ! Messieurs, et vous belles dames, je vous demande maintenant de vous lever et de boire, avec moi, au bonheur de Catherine et d'Arnaud de Montsalvy. Longue vie, messeigneurs, et grandes heures au plus vaillant des chevaliers chrétiens et à la plus belle dame d'Occident ! »
L'ovation formidable qui salua les dernières paroles de Xaintrailles se répercuta jusqu'aux voûtes neuves du grand château, alla rejoindre les cris de joie des villageois et, pendant un instant, la petite cité fortifiée ne fut plus qu'un cri de joie et d'amour. Catherine, pâle d'émotion, voulut se lever pour répondre à cette acclamation, mais c'en était trop pour elle. Ses forces la trahirent et elle dut s'appuyer à l'épaule de son époux pour ne pas tomber.
— C'est trop, mon Dieu, murmura-t-elle. Comment peut-on, sans mourir, supporter tant de joie ?
— Je crois, fit-il en riant, que tu t'y habitueras très bien.
Il était tard dans la nuit quand, après le bal, Catherine et Arnaud regagnèrent la chambre qu'ils s'étaient réservée dans la tour sud.
Un peu partout, dans le château, les serviteurs, harassés, dormaient là où le sommeil les avait vaincus. La Reine et le Connétable s'étaient retirés depuis longtemps dans leurs appartements, mais, dans les coins obscurs, on pouvait rencontrer encore quelques buveurs impénitents qui achevaient de célébrer à leur manière une si mémorable fête. Dans la cour, on dansait encore autour des feux mourants aux échos de chansons émises par les gosiers les plus solides.
Comme les autres, Catherine était lasse, mais elle n'avait pas sommeil. Elle était trop profondément heureuse pour vouloir que cette joie s'envolât déjà dans le repos. Assise au pied du grand lit à courtines de damas bleu, elle regardait Arnaud mettre ses femmes à la porte sans plus de cérémonie.
— Pourquoi les renvoies-tu ? demanda-t-elle. Je ne pourrai jamais sortir de cette toilette sans leur aide.
— Je suis là, moi, fit-il avec un sourire moqueur. Tu vas voir quelle merveilleuse chambrière je fais.
Ôtant rapidement son pourpoint qu'il jeta dans un coin, il se mit en devoir d'enlever une à une les épingles » qui retenaient le grand hennin sur la tête de Catherine. Il le faisait avec une légèreté, une adresse qui firent sourire la jeune femme.
— C'est vrai ! Tu es aussi adroit que Sara.
— Attends, tu n'as rien vu. Lève-toi...
Elle obéit, prête à lui indiquer les agrafes et les rubans qu'il fallait défaire en premier pour enlever sa robe, mais, brusquement, Arnaud avait empoigné le décolleté de ladite robe, tiré d'un coup sec. Le satin d'azur se déchira de haut en bas, la fine chemise de batiste avec lui, et Catherine, avec un cri de mécontentement, se retrouva aussi nue que la main, à seule exception de ses bas de soie bleue.
— Arnaud ! Est-ce que tu es fou ?... Une robe pareille !
— Justement. Tu ne dois pas remettre deux fois une robe dans laquelle tu as connu pareil triomphe. C'est un souvenir... et puis, ajouta-t-il en la prenant dans ses bras et en collant ses lèvres à celles de la jeune femme, c'est vraiment trop long à défaire !
Le « souvenir » alla s'étaler sur le sol tandis que Catherine, avec un soupir de bonheur, s'abandonnait déjà.
La bouche d'Arnaud était chaude et sentait un peu le vin, mais elle n'avait rien perdu de son habileté à éveiller en Catherine des sensations désordonnées. Il l'embrassait pourtant posément, consciemment, cherchant à éveiller en la jeune femme ce désir qui en faisait une bacchante sans pudeur ni retenue. D'une main, il la maintenait contre lui, mais, de l'autre, il caressait lentement son dos, son flanc, remontait vers un sein pour glisser ensuite vers la douce courbe du ventre. Et Catherine, déjà, vibrait, comme une harpe dans le vent.
— Arnaud... balbutia-t-elle contre sa bouche, je t'en prie...
À pleines mains, il lui prit la tête, noyant ses doigts dans les flots soyeux de sa chevelure, tira en arrière pour voir son visage en pleine lumière.
— Tu me pries de quoi, ma douce ? De t'aimer ? Mais c'est bien ce que j'ai l'intention de faire. Je vais t'aimer, Catherine, ma mie, jusqu'à ce que tu en perdes le souffle, jusqu'à ce que tu cries grâce... J'ai faim de toi comme si tu ne m'avais pas déjà donné deux enfants...
En même temps, il la courbait en arrière jusqu'à ce que plient ses genoux, jusqu'à ce qu'elle chût avec lui sur la grande peau d'ours étalée devant la cheminée, puis se laissa tomber sur elle et l'enferma entre ses bras.
— Voilà ! tu es ma prisonnière et tu ne m'échapperas plus !
Mais elle nouait déjà ses bras au cou de son époux et cherchait à son tour sa bouche.
— Je n'ai pas envie de t'échapper, mon amour. Aime-moi, aime-moi jusqu'à ce que j'oublie que je ne suis pas toi, jusqu'à ce que nous ne fassions plus qu'un.
Contre le sien, elle vit se crisper le visage brun. Elle connaissait bien cette expression presque douloureuse qu'il avait dans le désir et se colla contre lui pour qu'il n'y eût pas un pouce de son corps qu'il ne sentît. Alors, ce fut au tour d'Arnaud de perdre la tête et, durant de longues minutes, il n'y eut plus, dans la grande chambre chaude, que le gémissement doux d'une femme amoureuse.
Tandis qu'Arnaud sommeillait, un peu plus tard, pendant une accalmie de leur plaisir, Catherine demanda soudain :
— Que t'a dit La Hire pendant le bal ? Est-ce vrai qu'au printemps il te faudra repartir, retourner au combat ?
Il entrouvrit un œil, haussa les épaules en ramassant un coin de la peau d'ours sur laquelle ils gisaient toujours, s'en enveloppa lui-même et couvrit en même temps le corps, un peu frissonnant, de la jeune femme
— Je ne veux pas que tu partes, je ne veux pas que tu me quittes encore ! Je t'ai gagné, je te garde...
Elle serrait ses bras autour de lui dans un geste enfantin comme si elle craignait qu'il ne disparût tout à coup. D'une main tendre, il caressa sa joue et, doucement, l'embrassa. Dans l'ombre, elle vit briller ses dents blanches, comprit qu'il souriait.
— Est-ce que tu crois que j'ai envie de te quitter, de passer encore des nuits et des nuits sans toi, sans tes yeux, sans ton corps ! Je suis soldat et il faut que je fasse mon métier. Quand je partirai, tu me suivras... Les campagnes ne durent que six mois et il y a toujours des châteaux à l'arrière des combats. Tu m'y attendras, et nous ne nous quitterons plus... plus jamais. C'est fini, le temps des larmes, le temps des angoisses et de la souffrance. Désormais est venu pour nous le temps d'aimer. Nous n'en perdrons plus un seul instant...