Chapitre 12
Au balcon du fort, s'avançant au-dessus de l'esplanade, se tenait le captif, les mains au dos. La garde espagnole, en cuirasses étincelantes et morions garnis de plumes rouges, l'encadrait étroitement.
Colin Paturel était tête nue. Il portait un justaucorps de drap châtaigne à revers soutachés de fils d'or, qu'on avait dû aller quérir dans sa garde-robe du Cœur-de-Marie.
Sa tenue simple, sa barbe et ses cheveux coupés court impressionnaient car l'on ne reconnaissait pas le Barbe d'Or terrible et flamboyant en ce géant vêtu de sombre et préparé pour la mort. On ne le croyait pas si grand !
Joffrey de Peyrac parut presque aussitôt en satin safran à la mode française, justaucorps ouvert sur une veste longue surbrodée qui était une pure merveille. Un ah ! courut sur les diverses bouches ébahies ou admiratives et la houle des têtes ondula. Les Huguenots eux-mêmes étaient sensibles aux coups de théâtre que leur réservait le gentilhomme d'Aquitaine, personnage hors de leur commun, de leur compréhension, mais qu'un hasard dramatique avait jeté en travers de leurs destinées jusqu'alors raisonnables et qui les tenait maintenant sous son emprise.
Sa présence évita les huées et l'émotion dangereuse à fleur de peau qui fut sur le point d'éclater lorsque les autres pirates prisonniers de l'équipage du Cœur-de-Marie furent amenés, enchaînés ou liés de cordes ; solidement encadrés de mousquets, ils furent poussés en troupeau jusqu'au pied de l'estrade.
Certains grimaçaient et grinçaient des dents vilainement, mais la plupart montraient l'attitude résignée de ceux qui, ayant joué et perdu, savent qu'ils sont arrivés au bout du voyage et que l'heure de payer est venue.
Le comte de Peyrac n'eut pas à réclamer, d'un geste, la parole. Dans l'impatience du verdict qui allait s'énoncer, chacun retint son souffle et le silence se rétablit de lui-même. On n'entendait plus que le bruit de la mer. Le comte s'approcha du bord du balcon, se pencha et, s'adressant plus directement au groupe des protestants rochelais qui, rassemblés au premier rang, formaient le noyau compact, sombre, incorruptible, et indéfectible de son établissement.
– Messieurs, leur dit-il en désignant de la main Colin Paturel, debout entre ses gardes, messieurs, je vous présente le nouveau gouverneur de Gouldsboro.