Chapitre 23

Gouldsboro était devenu si peuplé que tout le monde ne s'y connaissait pas et maintenant pour Angélique une grande partie de la population sous la juridiction de Colin Paturel lui était étrangère. Elle ne pouvait se faire présenter à tous et durant ce séjour, elle allait surtout revoir ses amis et les personnes de connaissance qui venaient à Gouldsboro pour la rencontrer.

– Madame de Peyrac ! Madame de Peyrac !

Angélique qui traversait la place en courant choisit de faire la sourde oreille à ces appels qui vingt fois par jour lui parvenaient dès qu'elle mettait le pied dehors.

Aux onomatopées qui s'échangeaient lorsque canots et chaloupes amenaient les occupants d'un navire vers la plage, on pouvait apprendre de quels points de la côte ou de quelles îles ils arrivaient, voix anglaises ou françaises, ou parfois cordialement mélangées lorsqu'il s'agissait de la lointaine île de Monégan ou des établissements de l'embouchure du Kennébec, dont plusieurs bannières gardaient l'entrée, jusqu'à celle du marchand hollandais Peter Boggen.

On avait annoncé des Acadiens de Port-Royal. Angélique, qui s'était attardée de nouveau chez les Berne, essayait de passer sans se faire remarquer de la compagnie dans le souci de regagner le fort afin de « s'arranger » un peu au cas où Mme de la Roche-Posay serait parmi les arrivants. Elle voulait aussi jeter un coup d'œil sur ses jumeaux qu'elle se reprochait de délaisser, malgré, et peut-être, à cause du nombre de personnes qui en assumaient la garde et les soins sur le bateau. Un vieux matelot, Circassien d'origine, voyant quel essaim de cottes et de coiffes s'ébattait autour des deux trésors, l'avait à plusieurs reprises mise en garde, en lui assénant d'un air sinistre un proverbe russe, fruit de la sagesse et de l'expérience populaires :

– Un enfant qui a sept nourrices devient borgne !

Elle allait donc rapidement et fit mine de ne pas entendre la voix fraîche et jeune qui la hélait :

– Madame de Peyrac !... Madame de Peyrac !

Cependant, ayant jeté un regard de côté, elle vit qu'il s'agissait d'une femme, manifestement enceinte, et qui se hâtait un peu lourdement dans le sable pour la rejoindre. Force lui fut de s'arrêter et de revenir sur ses pas.

– Oh ! Madame de Peyrac, je suis heureuse de vous revoir, fit la jeune femme essoufflée. Je voudrais tant que vous me donniez des nouvelles de ma sœur !

Arrivée vers Angélique, elle se jeta spontanément dans ses bras et celle-ci ne put faire autrement que de l'embrasser.

– Qui êtes-vous, ma chère ?

– Vous ne me remettez pas ?

Elle avait un léger accent rocailleux, plutôt anglais. Angélique pensa à la jeune Esther Holby qui avait voyagé avec elle dans la barque de Jacques Merwin, après avoir échappé à un massacre par les Indiens abénakis dans lequel elle avait perdu toute sa famille, et qu'un de ses oncles de l'île Martinicus avait recueillie. Mais Esther était beaucoup plus grande et développée que celle-ci qui paraissait mignonne et vive, mais, sans son ventre rond, on l'aurait prise pour une fillette de douze ans. Elle était coiffée d'un joli bonnet de dentelle et d'un capulet de laine blanche.

– Vrai ! Vous ne me reconnaissez pas ? Pourtant, moi je ne suis pas près de vous oublier, vous m'avez tirée de l'eau et portée comme un poupon, le jour du naufrage. Et il paraît que maintenant vous en avez eu deux, de poupons. Et moi aussi, je vais en avoir un ! N'est-ce pas beau, tout ça ?

Son exubérance n'avait rien de britannique et le mot de naufrage mit Angélique sur la piste.

– Est-ce que... fit-elle en hésitant, est-ce que vous êtes une de ces filles du roy dont le navire s'est brisé sur les rochers devant Gouldsboro, il y a deux ans ?

– Mais oui ! C'est moi, la petite Germaine, vous ne vous souvenez pas ? Germaine Maillotin. Il est vrai que j'étais la cadette et tellement petite qu'on ne m'appelait jamais par mon nom, on me disait : la petite ou la gamine, alors ça ne vous a pas frappée. Et puis, avec tout ce qui arrivait, ce n'est pas étonnant : le naufrage, les pirates. Est-ce que vous pouvez me donner des nouvelles de ma sœur et de Mme de Maudribourg, notre bienfaitrice ?

Angélique, interloquée, sentit un frisson lui parcourir l'échine. Les événements dataient de bientôt deux ans, mais cela lui était toujours aussi désagréable d'en parler. Elle prit le bras de la jeune femme.

– Venez, ma chère, accompagnez-moi jusqu'au fort. Je crois comprendre que vous avez quitté vos compagnes et votre bienfaitrice Mme de Maudribourg, à Port-Royal, et que vous n'en avez pas eu de nouvelles depuis ?

– Oui, je m'étais cachée lorsque cet Anglais les a fait monter, prisonnières, sur son navire1. J'avais peur, j'en avais assez de toutes ces histoires, et puis, j'avais connu à Gouldsboro un matelot qui me plaisait et que je souhaitais épouser comme nous l'avait proposé M. le gouverneur Paturel.

Elle marchait en parlant, et maintenant, dans son débit précipité, se réveillait un autre accent, celui-là ineffaçable, des habitants pauvres de Paris.

– Moi, j'ai été élevée à la Pitié. On m'y a admise dès mes quatre ans avec ma sœur aînée, tandis que notre mère était enfermée aux Filles Repenties. J'ai été bien élevée, madame, sans cela M. Colbert ne nous aurait pas choisies pour peupler le Canada. Mais moi, j'étais en plus dans le convoi. Mme de Maudribourg ne voulait que ma sœur aînée, mais moi j'ai dû suivre parce que ma sœur c'est tout ce que j'avais et elle a insisté pour ne pas me laisser derrière. Maintenant que je suis si heureuse, j'oublie toutes ces misères..., mais j'aimerais bien avoir de ses nouvelles et des nouvelles de ma pauvre sœur.

Elles étaient arrivées au fort et, avant de la mener voir les enfants, Angélique la fit asseoir dans la salle du bas pour lui servir une boisson fraîche. Pauvre naufragée ! De La licorne et de la vie ! L'Acadie l'avait recueillie.

Elle avait un petit visage futé, aimable, mais dans le convoi de jeunes immigrantes, rien ne devait la distinguer du groupe dolent qui entourait Mme de Maudribourg sous la houlette de la grosse Pétronille Damourt. Il y en avait comme cela une dizaine parmi les filles du roy, faisant partie de l'escorte de la duchesse, priant des heures à genoux, ou la suivant en troupe et qui, dociles ou terrifiées, n'étaient guère sorties de leur anonymat. Angélique avait eu assez de peine à en approcher quelques-unes et à obtenir leurs confidences. Delphine du Rosoy, Marie-la-Douce qui avait été assassinée pour lui avoir parlé, Julienne, la drôlesse, qui, dès Gouldsboro, avait réussi à tirer son épingle du jeu en faisant équipe avec le frère de la côte, Aristide Beaumarchand, pirate marron qui ne méritait que la corde et qui, pourtant, avait été le premier à convoler avec elle en justes noces.

– Ainsi, vous n'avez pas appris que Mme de Maudribourg était morte ? dit Angélique.

La menue rescapée de tant d'heurs et de malheurs sursauta et bondit. Mais c'était de joie.

– Morte ! Vous allez me trouver peu charitable, madame, mais je m'en réjouis et... je l'espérais. Il n'y a pas longtemps, quelqu'un de la côte est qui venait vendre son charbon à Port-Royal a parlé de cela, mais je n'osais pas y croire. Maintenant que c'est vous qui me le dites, madame, et que je peux en être certaine, je vais pouvoir dormir en paix. Bien que cela ne vienne pas d'un bon sentiment...

Elle se signa.

– … mais femme plus méchante, il n'y en a pas eu sur Terre. Moi, qui ne « servais à rien » comme elle disait, elle ne cessait de me pincer, et même parfois, me brûlait avec les braises ardentes de sa chaufferette, sur le navire.

– Pauvres enfants ! dit Angélique le cœur serré comme chaque fois qu'elle évoquait la situation de ces pauvres jeunes filles et jeunes femmes livrées à un être si démoniaque avec la bénédiction de tous les gens bien, ecclésiastiques, religieux ministres, bienfaiteurs qui s'étaient laissé abuser par les beaux yeux et la piété de l'envoyée du père d'Orgeval.

Elle en eut les larmes aux yeux et se dit que son accouchement l'avait rendue trop sensible. La petite Germaine qui s'était aperçue de son émoi en fut touchée.

– Oh ! Madame, comme vous êtes bonne. Vous avez toujours pour nous été un ange. Comme c'était beau d'atteindre Gouldsboro et malgré la peur du naufrage, de vous apercevoir là sur la plage qui couriez vers nous et vous jetiez à l'eau pour me sauver.

Elle ajouta avec une gravité d'orpheline, prématurément mûrie.

– La bonté d'une femme compensait la méchanceté de l'autre.

Angélique croyait se rappeler que, dans ce naufrage, elle avait surtout dû haler l'énorme Pétronille Damourt. Mais, puisque la petite se réjouissait d'avoir été sauvée par elle...

– L'homme de la côte est disait aussi que vous aviez emmené, M. de Peyrac et vous, mes compagnes à Québec, qui était le but de notre voyage. Alors, j'ai pensé que, si ma sœur était à Québec, elle aurait tout de même pu essayer de me donner de ses nouvelles et chercher à savoir ce que j'étais devenue. Craignant moins de rencontrer notre bienfaitrice, je suis venue aujourd'hui. C'est la première fois que j'osais quitter notre cher Port-Royal.

– Comment se nomme votre sœur ?

– Henriette.

– Eh bien, réjouissez-vous, il se trouve que je peux vous donner d'elle d'excellentes nouvelles.

– Est-elle mariée ?

– Non, pas encore. Cela ne tardera pas car elle a beaucoup de soupirants. Mais elle veut faire son choix. En attendant, elle s'est placée comme chambrière chez Mme de Baumont qui se félicite de ses services et de son caractère enjoué et primesautier.

Germaine la regarda avec étonnement.

– Voulez-vous dire qu'elle est gaie, heureuse, active ?

– Certes ! Elle a beaucoup de succès, aide ces dames à leurs œuvres et tout Québec vante ses mérites.

– Ah ! Comme je suis contente ! Elle avait pour Mme de Maudribourg un tel attachement que j'ai craint, en apprenant la mort de celle-ci, que cela ait entraîné la fin de ma sœur, qui était comme son esclave. Elle en perdait la parole, la servant comme une ombre. C'était une vraie maladie, et les derniers temps, elle ne semblait même plus me voir. En vain l'ai-je suppliée : Reste avec moi à Port-Royal. Elle était prête à la suivre jusqu'en enfer.

– Ah ! Bien, vous voyez que quand une mauvaise influence cesse, la vie renaît, fit Angélique qui n'avait jamais connu la raisonnable et gaie Henriette sous ce jour.

Tout à coup, le cœur lui manqua. La vision de la folle Ambroisine venait de traverser ses pensées telle une chauve-souris battant les ailles de son grand manteau noir doublé de satin rouge. Elle en pâlit.

Les paroles et les propos de la petite Parisienne la confirmaient dans ce qu'ils avaient tous fini par déterminer dans la personnalité d'Ambroisine et qu'elle craignait parfois s'être imaginé ou avoir exagéré. C'est que cette femme était comme un vampire, affaiblissant ses victimes et leur dévorant l'âme. Hors de son orbite, elles redevenaient normales. La jeune femme qu'elle avait devant elle était naïve et simple. Elle avait parlé spontanément et son jugement confirmait qu'il n'y avait eu aucune exagération dans celui qu'ils avaient dû porter sur la duchesse de Maudribourg.

Pour changer de conversation, Angélique fit remarquer à Germaine qu'elle ne paraissait pas avoir épousé son matelot de Gouldsboro, puisqu'elle était restée à Port-Royal, ce qui ne l'empêchait pas d'être manifestement en puissance d'époux. La jeune femme rit et dit qu'en effet, l'occasion ayant manqué de retourner de l'autre côté de la baie, elle avait épousé un Écossais, d'où son accent, influencé par celui en français de son mari, descendant des soldats de sir Alexander.

La jeune Acadienne admira les bébés qui dormaient dans leur chambre, au premier étage. Ils étaient bien gardés par les filles de la sage-femme irlandaise qui brodaient et tricotaient à leur chevet.

– Comme ils sont mignons, admira la petite Germaine Maillotin. La fille est toute ronde et le garçon tout allongé. Moi aussi, j'aimerais bien avoir des jumeaux. Les enfants, cela met de la gaieté dans un foyer. Je ne crains pas le travail. J'ai appris à filer la laine, le lin et à tisser de la toile pour draps et chemises. Quand notre enfant sera né, nous allons partir avec quelques couples de jeunes gens nous établir dans un autre village où l'on demande des bras, à Grandpré.

L'établissement en question avait déjà trois ou quatre années de fondation. Un colon de Port-Royal y était venu assécher les marais comme on l'avait fait déjà aux environs du premier établissement. Les secteurs de terroir abrités étaient rares sur la cote nord de la presqu'île d'Acadie. Mais les puissantes marées avaient accumulé dans les anses des terres fines que les Acadiens, après les avoir protégées par des « diguettes » à la façon hollandaise, transformaient en prairies d'élevage et vergers.

M. de Peyrac leur avait promis son aide, surtout pour ravitailler les pionniers en outillage et produits manufacturés d'Europe, car, chez les Français, c'était surtout cela qui manquait et non pas le courage, le cœur à l'ouvrage et le goût de la culture de la terre et du soin des bêtes.

*****

– Venez nous voir à Port-Royal, insistait Mme de La Roche-Posay, avant de se rembarquer le lendemain avec toute sa troupe.

Elle était venue de son fief avec ses nombreux enfants et leur gouvernante, Mlle Radegonde de Ferjac. M. de La Roche-Posay était resté, car on craignait toujours des incursions de navires anglais et il valait mieux tenir garnison.

La châtelaine de Port-Royal était reconnaissante des présents qui leur avaient été envoyés avec les produits de première nécessité, vin, huile, plomb, quincaillerie et étoffes et qui leur manquaient tant lorsque les vaisseaux de la compagnie n'arrivaient pas. Alors, on n'avait aucune idée des difficultés qu'un gouverneur d'établissement avait pour tenir son rang dans ces contrées d'Amérique. Heureusement, désormais, non loin de Port-Royal, de sympathiques et entreprenants voisins s'étaient établis. Et la vie pour les pauvres seigneurs français était changée. Les fillettes avaient amené leurs belles poupées de Salem qui leur avaient donné une des plus grandes joies de leur existence de petites nobles exilées.

Mais il faudrait songer, disait leur mère, à envoyer les aînées en France, dans un couvent pour parfaire leur éducation, car, malgré les bons soins de Radegonde de Ferjac et de l'aumônier-précepteur qui veillaient à leur enseigner le latin et les bonnes manières, toute cette jeunesse subissait l'influence de sauvagerie ambiante, ne rêvait que courir la forêt ou mettre à la voile, pêcher la truite ou le saumon, récolter la fourrure, visiter les Indiens pour y faire de grands festins, après avoir participé à une chasse et les filles, en grandissant, ne trouveraient pas de bons partis.

– Pourquoi n'envoyez-vous pas vos filles chez les Ursulines de Québec ou chez Marguerite Bourgeoys à Montréal ? demanda Angélique.

Mme de La Roche-Posay fit la moue.

– Nous autres, gens d'Acadie, nous ne nous entendons pas tellement bien avec ceux de « là-haut », dit-elle avec un geste de la main en direction du nord où devait se trouver Québec, capitale de la Nouvelle-France. Les fonctionnaires du roi ne se souviennent de nous que pour nous faire payer taxes et droits, nous soupçonnent de faire fortune d'une façon éhontée et de trafiquer avec l'Anglais alors que nous sommes périodiquement ruinés par ces impudents ennemis et de plus abandonnés par nos compatriotes. Les grandes familles de Canada nous regardent de haut sous prétexte qu'ils ont bâti maison en Amérique du Nord avant nous, alors que c'est absolument faux car Samuel de Champlain a fondé Port-Royal avec M. de Monts bien avant Québec. Et puis, je vous l'avoue, j'aimerais voir mes filles se former à une vie plus raffinée en obtenant une charge de suivante près d'une princesse de haut rang à la cour.

« Il est plus facile d'y accéder en sortant d'un couvent réputé de Paris que de ceux de nos pauvres colonies qui sont tant dédaignés de la prétentieuse société qui ne doit sa valeur qu'à ce qu'elles papillonnent dans l'entourage du roi. Mais que faire ? On ne peut le changer et il faut y passer, si l'on veut pénétrer à Versailles. Il paraît que vos fils et le jeune Castel-Morgeat, bien que venant de Nouvelle-France, y font en ce moment leurs armes de courtisans. Avez-vous de leurs nouvelles ?

Elle en avait eu déjà et le Gouldsboro que l'on attendait en apporterait certainement.

– Revenez nous voir, chère madame de Peyrac, supplia Mme de La Roche-Posay. Nous avons tous gardé un si bon souvenir de votre séjour, ce dernier été où vous êtes venue avec cette grande dame bienfaitrice, qui était un peu étrange, mais très belle et savante aussi, Mme de Maudribourg, n'est-ce pas ? Elle m'avait laissé ses filles du roy sur les bras sans aucune vergogne. Ne nous plaignons pas ! Nous y avons gagné trois recrues pour les jeunes célibataires de notre implantation, comme cette jeune femme, Germaine, qui désirait vous demander des nouvelles de sa sœur. Elles étaient toutes de qualité, ces jeunes filles.

« A-t-on fait des histoires à Québec parce qu'elles n'y sont pas toutes parvenues ? Ce contretemps a été tout à fait indépendant de ma volonté. Elles se cachaient pour ne pas partir. Et aujourd'hui, je les crois heureuses chez nous et nous les apprécions bien. Enfin, j'espère que nous n'aurons pas d'ennuis avec l'administration de « là-haut ». Tout est tellement compliqué et les courriers si lents. Les ennuis vous arrivent sur la tête alors que l'on a déjà oublié depuis belle lurette ce qui les a provoqués et l'on ne sort pas des procès et des plaidoiries !

Elle soupirait, puis convenait qu'elle préférait ce Nouveau Monde, qu'elle aimait cette vie et qu'elle avait été très heureuse avec son mari dans son fort de bois, dominant la vaste étendue d'eau du bassin de Port-Royal qui se parait d'une si douce teinte mauve à l'aube... quand il n'était pas envahi de brouillard.

– Promettez-moi que vous reviendrez passer un séjour dans nos domaines, insista-t-elle, avec vos enfants, votre mesnie, votre garde. Et aussi votre époux s'il se peut. Car nous ne le voyons qu'avec précipitation pour nous aider à régler un litige avec les Anglais ou des pirates hollandais ou autres, toujours sur pied de guerre, jamais en paix. Mais je ne désespère pas que nous y arrivions un jour. Promettez-moi que vous viendrez.

Angélique promit et repromit solennellement, tout en se demandant si un jour l'occasion se présenterait d'aller naviguer de l'autre côté de la baie pour le seul plaisir.

Mais elle était sincère en affirmant qu'elle aimerait revoir Port-Royal qui était un endroit charmant avec ses maisons de bois, aux toits de bardeaux ou de chaume, ses deux églises, son moulin à roue, ses grandes prairies alentour d'où s'élevait le meuglement des troupeaux.

Elle n'en avait jamais voulu à l'innocente bourgade acadienne, encadrée de cerisiers et de bouquets de lupins géants, des affres qu'elle y avait traversées.

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