Chapitre 15


Joffrey de Peyrac se tenait là, au pied des marches.

Il était tout habille de noir.

La tête levée, il regardait Angélique.

Il portait une casaque courte, à manches larges et dont le col de fourrure d'ours, dressé et se confondant avec sa chevelure, lui faisait comme une auréole hérissée où le reflet du feu dans l'âtre accrochait des petites étincelles rousses.

Angélique, penchée sur la rampe, haletante, figée, le considéra comme un revenant.

Et Joffrey de Peyrac, charmé de son apparition mais surpris de son expression tragique, haussait les sourcils d'un air interrogateur

Elle était demi-nue, ruisselante, les cheveux en désordre, charmante...

Dans le visage tendu vers elle, Angélique vit fleurir l'éclat blanc du merveilleux sourire. Elle ne parvenait pas à y croire.

Elle dit à mi-voix :

– Alors ? Vous avez pu leur échapper ?

– Leur échapper ?

– Qu'est-il arrivé ? Je vous attendais... Je me suis endormie et...

– Et... vous n'avez pas encore tout à fait retrouvé vos esprits, mon cœur ! semble-t-il... Je vous avais informée de ce chapitre du Grand Conseil au château Saint-Louis... Et, en effet, j'ai pu leur échapper... Enfin... Il me tardait de venir vous rejoindre dans vos appartements... Mais nous nous sommes quittés dans les meilleurs termes...

Un soupir s'échappa des lèvres d'Angélique. Elle vola de marche en marche et se jeta dans ses bras, l'étreignant et répétant :

– Que c'est bête ! Dieu, que c'est bête !

Elle enfouissait son visage dans les plis de son vêtement et y frottait sa joue. Elle crispait ses doigts sur ses épaules.

– Est-ce que nous recommencerions à être menés par des esprits malins ? s'enquit-il, d'un ton moqueur. Quel événement aurait le pouvoir de transformer l'éclatante reine de Québec en une nymphe apeurée ?

– J'ai cru qu'ils vous retenaient prisonnier !

– Enfantillages ! N'avez-vous donc pas compris, aujourd'hui, que ce ne serait pas chose si facile ? Mes défenses sont bien en place et mes amitiés assurées. De plus, le vent de la popularité a tourné en notre faveur. Vous devriez en être convaincue.

– Ce pourrait être une ruse.

– Non ! Nos Français du Canada sont bien trop francs et bien trop bons vivants pour cela.

– Vous m'avez fait très peur, dit-elle. Et surtout quand je vous ai aperçu du haut de l'escalier tout en noir.

– J'ai voulu me rendre à cette réunion nocturne ainsi.

– Pourquoi ?

– L'homme noir, dit-il. Vous vous souvenez, l'homme noir qui se tient derrière la femme démoniaque, dans la vision de la Mère Madeleine. Je savais qu'on m'y avait identifié volontiers. Après avoir installé mes gens au manoir, j'ai changé de tenue et me suis rendu au Conseil ainsi, escorté de mes Espagnols.

Angélique était suffoquée.

– Joffrey, ce n'est pas raisonnable, fit-elle avec agitation. Nous sommes dans un guêpier où tout malentendu peut déchaîner contre nous le pis, et vous vous amusez à provoquer les esprits en rappelant une prédiction que certains ont peut-être oubliée, mais qui continue à en inquiéter beaucoup d'autres.

– Raison de plus pour éclairer, sans attendre, ma lanterne à ce sujet. J'étais curieux d'observer les réactions de ces messieurs à ma vue et je me suis autorisé à le faire car l'évêque ce soir n'était pas présent. On m'a accusé d'être l'homme noir, comme on vous a prêté l'identité de la Démone. D'un tour de magie, je leur soumets le personnage pour en détruire le mythe à leurs yeux et je constate, d'autre part, que vous ne craignez pas vous-même d'apparaître comme « la femme nue sortant des eaux ».

– Je ne me suis pas rendue au Grand Conseil sous cette apparence...

– Dieu soit loué ! Angélique, mon amour, vous prenez la vie beaucoup trop au sérieux et vous recommencez à être une adorable petite chanoinesse, comme l'an dernier, lorsque je vous ai enlevée aux farouches protestants de La Rochelle. Mais, croyez-moi, après ce que vous m'avez révélé de vos talents, ce rôle ne vous sied plus du tout.

Il la serrait contre lui, l'embrassait à petits coups et, après la frayeur qu'elle avait éprouvée, sa désinvolture était ce qui pouvait y avoir de plus efficace pour dissiper ses appréhensions.

Elle releva la tête pour le regarder et bien se convaincre de sa présence.

Elle poussa un cri.

Par-dessus son épaule, elle voyait au fond de la salle surgir d'un cercueil un crâne, suivi de deux yeux pétillants comme des lucioles, puis d'une bouche fendue par un rictus hilare.

Peyrac s'était retourné.

– Bonsoir, Monsieur Macollet, grand pardon d'avoir troublé votre sommeil.

– Pas de mal ! émit la voix grinçante du vieux coureur des bois. De quoi me plaindrais-je ? Le spectacle est plaisant.

Il l'était, en effet.

Le comte de Peyrac botté et engoncé dans ses lourds vêtements fourrés, tenant Angélique en naïade dans ses bras. Du fond de l'espèce de caisse où il se trouvait, le vieil Éloi ramena son bonnet rouge et se l'enfonça sur sa tête scalpée. Puis il bâilla largement et bredouilla quelque chose à propos d'un ours qu'il avait tué sur la ferme du Roi et pour lequel M. Le Bachoys, agent général de la Compagnie, lui cherchait des noises, et c'est pourquoi il s'était réfugié chez eux, parce qu'à Québec avec l'administration on ne pouvait jamais savoir ce qui pouvait arriver à un pauvre voyageur des Pays-Hauts.

– Alors j'ai pensé qu'ici, chez vous, je serais à l'abri... comme à Wapassou.

– Vous avez bien pensé.

– Mais dans quoi dormez-vous donc ? s'exclama Angélique, qui s'évertuait à rattraper les pans de son drap de bain qui glissait et échappait.

– J'ai ouvert le banc-lit, le banc du mendiant, comme on dit chez nous. Il y a de la paille au fond et une couverte... Si cela ne vous dérange pas, Madame.

Et il replongea dans les profondeurs de son long coffre afin de reprendre son somme.

Dans les caves, on entendit une chèvre bêler.

Plus de doute. On était au Canada.

Le comte de Peyrac passa son bras autour d'Angélique et ils montèrent lentement l'étroit escalier.

Sur le palier de l'étage, ils firent halte. Sur la droite s'ouvrait la chambre où se trouvait le vaste lit annoncé par Ville d'Avray et qui, en effet, avec ses degrés de bois marqueté, ses courtines d'épais damas doublé de satin, un ciel de lit plus vaste et garni de franges qu'un dais royal, occupait quasiment toute la place d'un mur à l'autre.

– Notre marquis est un hôte incomparable, dit Angélique.

Mais ils s'attardaient devant la haute fenêtre qui s'ouvrait au centre du palier. Les murs épais permettaient d'y ménager un recoin avec deux banquettes en vis-à-vis, de chaque côté de la fenêtre.

Attirés par la clarté qui luisait derrière les petits carreaux, ils vinrent s'asseoir côte à côte et Joffrey de Peyrac entrouvrit sa chaude casaque afin d'en entourer les épaules d'Angélique et de la serrer plus étroitement contre lui.

– Qu'est-ce que ce vêtement ? s'informa-t-elle. L'étoffe en est aussi épaisse qu'un louis d'or, mais grossière.

– C'est un caban dont un négociant de cette ville m'a fait don et qui convenait ce soir à mon déguisement. J'en lancerai la mode pour les élégants et, qui sait si elle ne se prolongera pas jusqu'à Paris.

– Un vêtement de paysan !

– Mais fort pratique pour aller visiter les belles par les nuits glacées...

Appuyés l'un contre l'autre, ils regardaient au-dehors, avec curiosité, le paysage lunaire.

De l'autre côté de la rue on devinait les arbres d'un verger noyés dans l'ombre humide. La même brume impalpable dissimulait les contours des maisons les plus proches. Mais plus loin, en contrebas, le clocher de la cathédrale surgissait, éclairé. Derrière, la lune sortait d'un nuage. Un halo de lumière irisée l'agrandissait comme une énorme opale et sa clarté ciselait les moulures des balustres et des colonnades de la tour. À la pointe du clocher, la haute croix de fer forgé perçait le ciel de son coq-girouette posé tout au bout. Tandis qu'en son centre se disposaient la couronne d'épines et tous les instruments de la Passion y compris l'échelle. Son dessin se profilait sur le ciel laiteux comme tracé à l'encre noire par une plume géante. Alentour, les clochers de la chapelle du séminaire, de celle des Ursulines, de l'église des Jésuites, et toutes les tours ou campaniles des autres petits édifices religieux de la cité, répétaient le même thème des instruments de la Passion, du coq, et parfois, il y avait une rose des vents.

Joffrey parlait à mi-voix.

Il passait en revue les divers événements de la journée, se félicitant de leur déroulement. Le geste fou de Mme de Castel-Morgeat paraissait plutôt l'amuser.

– Je reconnais avoir un certain faible pour ces femmes audacieuses et passionnées, qui vont jusqu'au bout de leurs engagements. Fidèle à son confesseur, le Père d'Orgeval, elle a maintenu son engagement, malgré la défection de celui-ci. Et puis, c'est une femme d'Aquitaine. Entre Gascons on peut se comprendre et se pardonner.

– Je trouve que vous prenez bien à la légère une démarche qui aurait pu causer la perte du Gouldsboro, se rebiffa Angélique, oubliant qu'elle avait, quelques heures plus tôt, partagé un peu ce point de vue. Imaginons : si le boulet avait atteint ses œuvres vives, ce magnifique navire coulant au fond de l'eau, les armes, les richesses qu'il y avait à bord perdues, les victimes inévitables...

– La vie nous fait rarement autant de mal qu'elle le pourrait... Pour ma part, quand un danger est passé, je songe moins à m'effrayer de ce qui aurait pu advenir qu'à m'émerveiller d'y avoir échappé...

– Je crois que vous avez bu trop de vin français aujourd'hui, dit-elle.

– En attendant, qui a gagné ? Le Gouldsboro qui se balance sur son ancre au pied du Roc, tandis que la maison des Castel-Morgeat a un grand trou dans sa façade et un angle écorné.

Il ajouta que M. de Frontenac s'était vu obligé de leur accorder l'hospitalité dans une aile du château Saint-Louis.

Il tenait toujours Angélique étroitement contre lui et, par instants, il posait ses lèvres sur son front, sur ses tempes, comme irrésistiblement attiré par la proximité de ce visage.

Elle devinait qu'il parlait ainsi pour la distraire et lui communiquer sa confiance, car il n'était pas sans raison, de si joyeuse humeur.

– Joffrey, dit-elle humblement, j'avoue que j'ai été saisie de panique tout à l'heure. Tous les obstacles qui s'opposent a ce que nous puissions vivre heureux m'apparaissaient Tout à coup, j'ai trouvé à cette demeure une ressemblance avec celle où nous avions logé quand nous étions allés assister au mariage du Roi à Saint-Jean-de-Luz. Vous souvenez-vous ? Ce n'étaient que fêtes et réjouissances mais, dans le brouhaha, le Roi en profita pour vous faire arrêter.

– Laissez donc ces souvenirs lointains, chérie Les temps sont autres. Rien ne recommence jamais tout à fait de la même façon, car la vie est mouvement. Le Roi, aujourd'hui n'est plus ce jeune souverain préoccupé de réduire l'indépendance des princes qui avec la Fronde, avaient menacé son trône. Sa puissance est assurée. Nul grand vassal ne peut se retrouver roi en sa province, comme j'en donnais l'image en ce temps-là à sa jalousie ombrageuse. Les temps sont autres.

– Le Roi est autre.

– Et vous, vous êtes une autre femme. Vous nous en avez donné la preuve aujourd'hui et avec quel éclat. Je vous regardais et je voyais que celle qui s'avançait ainsi m'était quelque peu inconnue. Comment exprimer ce que j'ai ressenti en vous voyant le point de mire de tant de regards admirateurs et enchantés ? Je vous voyais sous tous vos visages : éblouissante comme à Versailles, mais aussi sereine et sûre d'elle comme en face des Iroquois, inébranlable comme en face de la Démone. Cela ne signifie pas que de telles perspectives soient pour moi de tout repos... Mais j'aime le risque et la nouveauté.

– C'est cela ! Vous aimez trop le risque. J'ai raison de me tourmenter. Voyez, quand vous vous êtes rendu au rendez-vous de ce Varange, à la crique de la Mercy sur la seule foi d'un billet signé Frontenac. Vous vous y êtes rendu quasi seul et il vous attendait pour vous tuer...

– Je devais pressentir que l'ange sauveur se mettrait en chemin. Tout ce qui se trame en nos alentours ne nous est pas toujours visible. Sans vous, je serais mort. Mais vous êtes venue et vous l'avez tué. Ainsi, entre nous, à la vie à la mort, mon amour.

Angélique eut un frisson.

– Quel était son dessein ? Il m'a laissé une impression étrange. Il s'est glissé dans votre vie comme un fantôme déliquescent, une larve obscure, à croire qu'on l'a rêvé. Je suis certaine qu'il était un des complices d'Ambroisine, un de ceux qui l'attendaient et qui peut-être savaient quel personnage dangereux se cachait derrière ses traits séraphiques...

– Elle est morte et vous l'avez vaincue. Elle ne peut plus nous nuire. Ses troupes infernales reculent et s'évanouissent dans l'ombre.

Il leva sa main vers la fenêtre en un geste incantatoire, mais il souriait.

Au pied du Roc, les eaux du Saint-Laurent se déployaient en étoile de mer, insinuant parmi les caps, les îles et les baies, ses tentacules d'un métal vibrant sans pareil.

À cette heure quelques canoës indiens en griffaient encore la surface, tels de noirs insectes.

Il s'était évertué à dissiper ses doutes et elle retrouvait le sentiment de confiance qui l'avait habitée tout au long de cette journée.

– Nous sommes parvenus trop loin pour qu'« ils » nous atteignent, dit-il encore. Ne le sentez-vous pas ? Tout ce qui peut nous arriver désormais de dangereux ou de tragique ne sera plus jamais aussi grave.

– Et la rancune du Père d'Orgeval ? Quand j'ai vu quelqu'un en noir au pied de l'escalier j'ai cru que c'était lui.

Joffrey de Peyrac éclata de rire.

– Quelle idée ! Je vois mal un jésuite, même celui-là, se présentant en pleine nuit chez une dame.

– Il aurait pu vouloir m'exorciser.

– Vous avez trop d'imagination, mon cœur !

Et après un silence :

– ... Ne le craignez pas. Il ne viendra plus.

– Où est-il ? murmura Angélique.

– Il a quitté la ville... On le dit.

– Il y était pourtant quelques jours avant notre arrivée.

– Il n'y est plus.

Elle se souvint qu'il avait accueilli la nouvelle de l'absence du Père d'Orgeval avec surprise, mais aussi comme s'il l'avait prévue. Elle se demanda ce qu'il avait pu tramer, qu'il ne lui confiait pas. Il entretenait un espion secret à Québec. Il l'avait taquinée à ce sujet. « Je n'ai pas dit que c'était un homme... »

– Et s'il revient ?

– Il ne reviendra pas.

– Serait-il mort ?

– Non, il n'est pas mort.

Il la serrait dans ses bras et sa main caressait son épaule. Elle sentait les broderies de son pourpoint griffer sa peau nue et cela éveillait en elle des voluptés insidieuses.

– Pourquoi se dérobe-t-il ? Pourquoi refuse-t-il de nous affronter ? Je veux savoir.

Joffrey de Peyrac dit :

– Qu'importe !

Elle voyait son sourire et sentait son désir.

– Tant pis, Madame ! Vous n'aurez pas le secret des chandelles vertes !

Ses yeux brillaient, allègres. Et Angélique lui en voulait.

– Non, ce n'est pas si simple. J'ai eu trop peur.

– Quand donc, mon amour ?

– Tout à l'heure.

– Je vous l'ai dit, la peur ne vous sied pas.

– Et nous avons failli mourir de faim l'an dernier... Si les Iroquois n'étaient pas venus.

– Mais ils sont venus... Je les avais appelés.

Angélique s'arracha à son étreinte.

– Et vous ne me l'avez pas dit ?

– J'ignorais s'ils pouvaient répondre à cet appel. Et parfois l'attente déçue est ce qu'il y a de pis pour user les dernières forces.

– Vous me connaissez mal.

– Une chose secrète prend de la force à ne pas être divulguée.

– Ah ! Vous êtes trop gascon. Mais je vous aime.

Dans les bras l'un de l'autre, ils prolongeaient la saveur d'une querelle qui s'accompagnait de caresses, de longs baisers donnés et reçus et du délice de prononcer des mots qui s'étouffaient dans un murmure, d'ébaucher des phrases qui s'interrompaient pour faire place au silence, tandis que leurs lèvres se reconnaissaient et se répondaient.

La ville était à leurs pieds, étroite et ramassée comme une île sur l'océan des forêts et, à cette heure couleur d'étain, de plomb, d'argent, d'acier, les fumées lentes et bleuâtres flottaient, rares, se mêlant à la brume. Redoutant plus encore l'incendie que le froid, les habitants de Québec préféraient étouffer le feu dans l'âtre avant de se mettre au lit.

L'arête des toits pointus, les pignons, les girouettes accrochaient des éclats de lune.

Certains dans cette ville connaissaient le passé, les condamnations du couple. D'autres se souvenaient de Mme du Plessis-Bellière, et d'autres du Rescator ou du grand seigneur toulousain.

Mais tous ces êtres endormis avaient aussi leurs secrets, leurs peurs et leurs souvenirs. Parmi eux, Joffrey de Peyrac et Angélique pouvaient faire trêve et, l'espace d'une nuit, revenir à l'autre signification de leur destin : un homme et une femme qui s'aimaient.

Alors tout était aboli. Ils cessaient d'être des bannis pour être les élus du royaume sans nom, dont la conquête ne dépendait que de leurs cœurs épris et des pulsions de leurs corps embrasés.

Les doigts de Joffrey se perdaient dans les cheveux d'Angélique, erraient sur sa peau lisse, retrouvaient ses formes douces.

– Vous êtes une autre femme dans sa beauté et sa force, lui disait-il tout bas. La même... car nous restons toujours nous-mêmes. Mais votre âme a transité, comme les astres, par des régions obscures et dangereuses et, comme les astres, au frottement brûlant de l'espace, elle a acquis cet éclat plus éblouissant encore et dont le rayonnement va au-delà des limites visibles. La même... Mais sortie des eaux lustrales du renouveau, telle Aphrodite naissant de la nacre d'un coquillage et des souffles du printemps.

– Vous serez toujours un poète du Languedoc.

– Et je chanterai toujours la dame de mes pensées. Et vous m'écouterez avec ce regard qui suscite en moi la plus exaltante inspiration et l'impatience d'affronter les dragons.

– Car les mots que vous prononcez me transportent. Depuis que je vous ai connu, par chaque parole de votre bouche, il me semble que vous avez fait... respirer mon âme et mon cœur.

– Oh ! Mais vous ne manquez pas non plus d'inspiration, Madame ! Quelle belle image ! Et votre corps divin ?

Angélique riait sous ses baisers.

– Vous êtes un incorrigible paillard ! Vous savez bien ce que vous en avez fait.

Joffrey de Peyrac prenait entre ses mains ce visage si pur, renversé et comme rendu lumineux par l'excès de sa joie. Il se perdait dans ce regard insondable à la transparence unique, adouci de tendresse et d'amour pour lui.

Il murmura :

– Les démons se sont retirés dans les plis de la nuit.

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