Juliette Benzoni Les reines du faubourg

Avant-propos

Encore le faubourg est-il un bien grand mot ! Souvent c’est la rue, le pavé, le ruisseau même qui les ont vu naître ! Aucune n’éclôt le jour dans la soie ou le velours et les couleurs de la vie que découvraient leurs yeux d’enfants étaient le plus souvent bien grises, parfois même sinistres. Mais toutes, à l’exception d’une seule à qui une voix immense en tenait lieu, avaient reçu ce que lord Byron appelle « le don fatal de la beauté ». Une beauté exceptionnelle pour la plupart dont elles usèrent pour survivre d’abord – et dans des conditions parfois sordides ! – puis pour tirer des hommes les moyens de s’ouvrir les chemins de la réussite. Des chemins qui les ont hissées jusqu’au sommet où brille le soleil – pas toujours le même pour toutes d’ailleurs ! – là où coulent des rivières de diamants et où le carrosse de Cendrillon ne redevient jamais citrouille.

Oui, elles ont régné ! Sur les hommes asservis, sur Paris et souvent bien au-delà par la magie de leur éclat joint à une intelligence certaine, à un talent, à un irrésistible besoin de revanche et aussi à la chance. L’une d’elles n’est-elle pas passée d’un tablier de servante à la couronne impériale de Russie ?

Ont-elles été heureuses ? C’est une autre histoire. Les feux de la rampe, les illuminations des fêtes, l’excitation du plaisir et le fracas de la renommée n’ont jamais créé un climat propice au bonheur. Il est une plante fragile qui s’épanouit souvent dans l’obscurité et le silence. Certaines – pas beaucoup ! – ont réussi ce coup de maître d’une existence heureuse une fois éteints les projecteurs qui les épinglaient au pilori d’une célébrité de bon ou de mauvais aloi comme le papillon sur la planche de l’entomologiste.

Alors enviables ces petites reines sorties de rien ? Peut-être ou peut-être pas. C’est à vous de juger…

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