Une Phèdre de quinze ans : Parisina

Le long bateau plat glissait lentement le long des canaux. La chaleur écrasait la plaine et faisait flamber, au loin, les tours rouges de Ferrare. L’ennui qui suintait de ce jour d’été trop chaud semblait presque palpable. Même les musiciens installés sous une tente à l’avant de la barge ne tiraient plus que des accords languissants. D’ailleurs, à quoi bon jouer ? Étendue sur la soie de ses coussins brodés, la jeune duchesse avait l’air de dormir… Il n’y avait pas un souffle d’air. La lumière intense vibrait…

Pourtant, Parisina d’Este ne dormait pas. Elle s’ennuyait tellement qu’elle n’en avait même plus envie. Les jours se succédaient, tous semblables, tous d’une désespérante monotonie. Il n’y avait aucune raison pour que cela vînt un jour à changer. L’automne viendrait, puis l’hiver, puis le printemps et à nouveau l’été, mais elle, Parisina, demeurerait à jamais prisonnière de sa grandeur, d’un rang dont déjà elle était accablée. Et elle n’avait que quinze ans !

Il y avait trois mois seulement que, par un beau jour printanier de cette année 1424, elle avait épousé le maître de Ferrare, le duc Nicolo d’Este, qui avait déjà répudié une épouse parce qu’elle ne lui avait point donné d’enfant. Nicolo voulait un héritier légitime. C’est pourquoi, sur sa réputation de beauté, il était venu à Rimini demander au seigneur Malatesta la main de sa plus jeune fille. Ainsi, Parisina était-elle devenue duchesse de Ferrare et l’épouse d’un homme qui aurait pu largement être son père.

À dire vrai, l’âge ne faisait rien à la chose. À quarante ans, Nicolo d’Este gardait du charme, de la séduction, des yeux gais et un corps d’athlète. Il n’avait rien du barbon répugnant et très vite, Parisina s’était habituée à l’idée de l’aimer. Il lui avait enseigné l’amour et, en cette matière, ce grand coureur de jupons était un maître. Parisina avait donc aimé l’amour en même temps que le professeur.

Certes, ce printemps avait été beau, allègre, et les couleurs de l’avenir semblaient riantes à la jeune épousée. Mais… cela n’avait été qu’un printemps. Et les printemps italiens sont courts. Nicolo, vite lassé d’une jeune épouse jolie mais inexpérimentée, était retourné sans tarder à des plaisirs de plus haut goût. Durant ce mois d’août qui bientôt s’achèverait, il n’avait pas passé deux nuits avec Parisina. Et l’ennui s’était mis à ronger la jeune duchesse.

Elle tourna vers sa suivante, Bianca, des yeux lourds de larmes.

— Dis aux bateliers de revenir vers la ville… Cette promenade n’amuse personne et moi moins encore. Au palais, en revanche, il fera presque frais…

— La nuit va bientôt venir. Pourquoi ne pas aller jusqu’à l’une de vos maisons de campagne ? Vous pourriez regarder danser les paysans.

— Et moi ? avec qui danserai-je, puisque mon seigneur n’est pas auprès de moi ? Non, Bianca, j’aime mieux rentrer.

Lentement, la barge vira de bord et reprit le chemin de Ferrare. Ce fut pour y trouver un page qui portait un message du duc. Il partait chasser chez l’un de ses vassaux, ne rentrerait pas avant huit jours. Alors, Parisina s’enferma chez elle pour pleurer tandis que, derrière sa porte close, les servantes se regardaient en hochant la tête.

— Pauvre petite duchesse, murmura Bianca. Si jeune, si jolie, et déjà délaissée.

Mais il n’y avait rien à faire à cela. Les filles de grandes maisons avaient presque toutes le même destin : un mariage sans amour et l’abandon si elles ne se hâtaient pas de procréer. De toute façon, un interminable ennui.


L’automne, dont Parisina n’attendait rien de meilleur, apporta cependant une nouveauté. Dans les premiers jours d’octobre, un petit cortège franchit les douves du château rouge aux quatre donjons. En tête, chevauchait un garçon d’une vingtaine d’années seulement, mais si beau, de si fière tournure, que la jeune duchesse demeura de longues minutes à sa fenêtre, pour le regarder… À son allure, ce ne pouvait être qu’un prince, même si l’escorte comme le bagage étaient assez modestes, et Parisina se tourna vers l’une de ses dames d’honneur, dona Marella qui, au cours d’une vie déjà longue, avait rencontré beaucoup de monde.

— Qui est-ce ? demanda-t-elle.

La dame haussa les épaules avec un mélange de dédain et d’indulgence.

— Personne qui doive retenir longtemps votre attention, Madona. Le seigneur Ugo est fort beau, j’en conviens, mais il est votre beau-fils.

— À moi ? mais comment ? le duc n’a pas d’enfants.

— Monseigneur l’a eu, jadis, d’une fille de la ville. Elle était belle, mais de petite naissance, et ne pouvait être épousée. Néanmoins, selon la coutume, le duc a tenu à ce que son fils fût élevé à la cour, à son rang, puisque pour un garçon, seul compte le sang du père.

— Pourquoi ne l’ai-je encore jamais vu ?

— Parce qu’il était à l’université de Bologne, où il étudie pour entrer dans la Sainte Église…

Parisina eut une moue de déception.

— Un prêtre, ce beau jeune homme ? Est-ce que ce n’est pas dommage, Marella ? Le duc n’a pas d’autre fils.

— Vous êtes là pour y pourvoir, Madona. Quant au sacerdoce, le seigneur Ugo, qui est fort pieux, le désire. Pourquoi donc le duc refuserait-il de le laisser suivre sa voie ? Il sera cardinal, ce qui est fort beau.

— Pourquoi vient-il alors ?

— Simple visite à son père. Il vient d’être malade. Un peu de repos ici lui fera du bien.

Parisina ne posa pas d’autre question. Elle s’éloigna de la fenêtre, songeuse. D’ailleurs, le bel Ugo était descendu de cheval et avait pénétré dans le palais.

Le soir venu, quand son époux le lui présenta, Parisina trouva qu’il était encore plus beau vu de près. Personne n’avait de cils aussi longs sur des yeux aussi sombres. En revanche, elle fit la grimace quand le jeune homme, avec beaucoup de respect, l’appela « Mère », comme le voulait l’usage.

— Il nous restera jusqu’après la Noël, précisa le duc. J’espère, Madame, que vous aurez sa présence pour agréable.

— Il est votre fils, Monseigneur, répondit-elle, les yeux pudiquement baissés. Il ne peut que m’être cher.

Nicolo d’Este partit d’un gros rire.

— Pas trop, tout de même ! N’oubliez pas que je dois vous être plus cher que n’importe quel être humain.

Les yeux sur Ugo, elle répondit, machinalement :

— Comment pourrait-il en être autrement, Monseigneur ?

Quand on passa à table, Parisina constata que le jeune homme, assis près d’elle, mangeait à peine. Il avait dit les grâces, avant d’entamer son repas et depuis, les yeux baissés vers son plat, il gardait un maintien convenant davantage à un moine qu’à un prince. Il répondait à peine aux tentatives de conversation de sa jeune belle-mère et quand la robe de brocart argenté de Parisina frôlait sa jambe il se reculait imperceptiblement. Son manège n’échappa pas à son père, qui lui lança soudain :

— Mange, bois et réjouis-toi, Ugo ! Que diable, tu n’es pas encore prêtre. Comporte-toi en prince, non en couventine.

Ainsi apostrophé, Ugo releva la tête. Un éclair brilla dans ses yeux. D’un geste nerveux, il saisit sa coupe d’or, la vida d’un trait, puis, la reposant avec un sourire dédaigneux :

— Si c’est là geste de prince, voilà qui est fait.

Nicolo haussa les épaules et se remit à boire pour son propre compte, mais Parisina tressaillit. Les yeux noirs d’Ugo étaient maintenant posés sur elle avec une très visible admiration. Elle lui sourit mais détourna très vite les yeux, murmurant un peu nerveusement :

— Votre père n’admet pas que l’on puisse agir autrement que lui-même. Il ne comprend pas…

— Moi, fit Ugo sans cesser de la regarder, il est ici bien d’autres choses que je ne comprends pas.


Les jours qui suivirent, Parisina ne rencontra guère Ugo. Alléguant sa santé compromise, le jeune homme quittait à peine son appartement, où son confesseur lui rendait visite chaque matin. Dans tout le palais, on commentait inlassablement la haute piété de ce trop beau garçon, si visiblement fait pour l’amour. Et les servantes ne se gênaient pas pour murmurer qu’il était bien dommage qu’aucune femme ne pût espérer faire un jour vibrer son cœur.

Or justement, il y avait au palais une femme qui, depuis le jour de son arrivée, s’était juré de conquérir l’amour du jeune homme. Cette femme, c’était Parisina.

La vue d’Ugo lui avait fait comprendre que le sentiment qu’elle éprouvait pour le duc n’était qu’une pâle copie de l’amour. L’amour, elle savait maintenant ce que c’était. Elle l’avait su à l’instant précis où Ugo l’avait regardée. C’était une flamme brûlante, insatiable et dévorante, qui ne laissait au cœur ni trêve ni repos. D’un seul coup, tout l’univers quotidien et magnifique qui l’entourait avait pris les couleurs effacées d’un décor qui a trop servi. Seule, sur un immense désert, se détachait la figure brune d’Ugo, sa silhouette athlétique… Même ses nuits solitaires avaient cessé de lui être pénibles. Bien au contraire, c’était la présence de Nicolo qui lui était maintenant désagréable. Elle préférait cent fois demeurer seule dans son immense lit, ne fût-ce que pour pouvoir rêver à son aise à celui qu’elle aimait.

— Tôt ou tard, se promettait-elle, Ugo m’aimera, Ugo sera à moi…

Mais comment mener à bien son entreprise de séduction si elle ne parvenait jamais à le rencontrer ?

Profitant d’une des multiples absences de son époux, et du passage à Ferrare d’un célèbre chanteur vénitien, elle fit dire à Ugo qu’elle souhaiterait que pour entendre l’artiste, il quittât sa chambre et vînt souper avec elle. À sa grande surprise, il accepta.


Afin que la soirée fût plus agréable et plus intime, Parisina décida que le souper et le concert auraient lieu dans l’une des maisons de campagne du duc, proche de Ferrare. Le temps exceptionnellement doux permit de dresser la table dans la loggia ombragée d’une treille pourpre. Au-delà, c’était l’eau clapotante d’un étang, la nuit tiède, le chant du rossignol luttant de mélodie avec le chanteur vénitien. Et le charme de cette nuit marqua d’un trait de feu l’âme d’Ugo.

Assis auprès de Parisina, il ne pouvait détacher son regard de la jeune femme. Toute vêtue de soie blanche, légère et fine, largement décolletée, des perles dans ses cheveux noirs, Parisina avait tout mis en œuvre pour séduire celui qu’elle aimait. Jamais ses yeux n’avaient été si brillants, ses lèvres si fraîches. L’enchantement de la nuit rejoignait celui de la jeune femme et les vins capiteux faisaient le reste pour composer un redoutable philtre auquel le naïf jeune homme ne résista pas longtemps. Comme il demeurait silencieux, buvant cependant coupe sur coupe, Parisina se pencha vers lui :

— Mon très doux seigneur, pourquoi êtes-vous si triste ? Ce souper ne vous sied-il pas ?

— Il ne me sied que trop et j’ai honte d’y prendre tant de plaisir. Mais cette nuit merveilleuse, cette musique si douce… et vous, Madona, qui êtes si belle. Il y a des moments où j’envie si férocement mon père qu’il me semble le haïr. Il a tout, puisque vous l’aimez.

— Qui vous a dit que je l’aimais ?

— N’êtes-vous pas sa femme ?

— Être l’épouse ou être l’amante ne sont pas la même chose, Ugo. Non, je n’aime pas votre père. Je l’ai épousé parce qu’une fille n’a pas le droit de dire non lorsque son père commande. J’étais résignée… mais vous êtes venu.

— Ne dites pas cela ! C’est un crime de convoiter le bien d’autrui… surtout si c’est celui de votre père.

— Votre père fait fi de ce bien que vous jugez si précieux. Il préfère les filles de mariniers ou les chanteuses. Ugo, Ugo, c’est vous que j’attendais, c’est vous que j’aurais dû épouser. C’est à vous que je veux appartenir.

Elle se rapprochait de lui, tentante, parfumée. Ugo eut un vertige. Depuis son arrivée, l’image de Parisina hantait ses nuits. Il avait tenté de la chasser par la prière et la pénitence mais chaque soir la retrouvait plus forte et plus dangereuse. Et là, dans cette loggia, elle donnait une réalité à ses rêves. Il n’avait qu’un geste à faire pour qu’elle fût dans ses bras… et ce geste, elle lui demandait presque de le faire. Dans une ultime défense, il secoua la tête.

— Non… Ce serait un péché !

— Le seul péché, c’est de refuser l’amour quand il se présente. Je t’aime Ugo, et je n’aime que toi.

Elle était contre lui maintenant et elle l’entourait de ses bras frais. Ugo eut un éblouissement. Presque malgré lui, il la prit dans ses bras, sentit, sous la soie vraiment très légère, un corps souple et chaud dont le contact lui fit perdre la tête. Il aurait fallu être un saint pour résister plus longtemps à cette affolante tentation, et Ugo n’était pas tout à fait un saint. D’un geste brusque, il renversa le flambeau qui seul éclairait la loggia et coucha la jeune femme sur les coussins.


Tout au long de la semaine que dura l’absence de Nicolo, Parisina et Ugo s’aimèrent avec une ardeur d’affamés. Chaque nuit, il la rejoignait, dans sa chambre d’où elle chassait suivantes et dames d’honneur, même la fidèle Bianca, pour être plus libre de profiter de son bonheur. Il n’y avait plus au monde que Ugo et elle… Qu’importait le reste ?

Le retour de Nicolo aurait normalement dû mettre un terme à leurs rencontres, mais Nicolo avait pris une nouvelle maîtresse et ne se souciait pas davantage de sa femme. Il lui rendit visite le soir de son retour parce qu’il entendait avoir d’elle un enfant, mais dès le lendemain, retourna à ses plaisirs. Aussi, les deux amants, un instant retenus, ne virent-ils bientôt plus aucune raison de demeurer plus longtemps séparés. Avec quelques précautions, tout de même, Ugo reprit le chemin de la chambre de Parisina et les ardentes nuits de l’automne recommencèrent.

Pourtant, si au palais tous ceux qui avaient deviné quelque chose gardaient un silence prudent, d’autres étaient intrigués par les yeux brillants de Parisina, les regards tendres qu’elle posait sur Ugo. Un certain Benvenuto était de ceux-là.

Valet de confiance du duc Nicolo, il l’accompagnait dans tous ses déplacements et lui servait volontiers de confident pour ses amours, voire d’entremetteur. C’était un homme aigri, fort laid et qui, le Diable seul pouvait savoir pourquoi, détestait Parisina. L’attitude des deux jeunes gens éveilla ses soupçons. Il surprit le frôlement de leurs mains, les soupirs qu’ils échangeaient lorsqu’ils pensaient n’être pas entendus.

Une nuit, alors que le duc, harassé de fatigue après une chasse à travers la plaine, dormait comme une souche, Benvenuto quitta l’appartement de son maître, et sans bruit, gagna celui de la duchesse. Il savait déjà qu’elle avait pris l’habitude de renvoyer ses femmes chaque soir, sous prétexte que la moindre présence agaçait ses nerfs. Il put donc parvenir sans encombre jusqu’à la porte de la chambre, l’entrouvrit tout doucement…

À l’exception d’une veilleuse, la vaste pièce était plongée dans l’ombre mais il ne fallut que quelques instants à l’espion pour voir que dans le lit, il y avait deux personnes, et qu’elles ne dormaient pas.

Sans faire plus de bruit qu’à l’entrée, Benvenuto referma la porte, repartit comme il était venu, et courut réveiller son maître.

— Que veux-tu ? s’écria Nicolo de fort mauvaise humeur. N’es-tu pas fou de m’éveiller ainsi en pleine nuit ?

— Lève-toi, seigneur, et suis-moi sans faire de bruit. Il y va de ton honneur.

— Que veux-tu dire ? Que vient faire ici mon honneur ?

— Tu le verras si tu me suis. La duchesse est au lit avec le bâtard… et ni l’un ni l’autre ne pense à toi.

D’un bond, Nicolo fut à bas de son lit. Sans même prendre la peine de s’habiller, il saisit un flambeau, courut jusque chez sa femme, et enfonça la porte plutôt qu’il ne l’ouvrit. Un double cri de terreur salua son entrée.


Dans les prisons du château, Parisina et Ugo, chacun dans un cachot, attendaient leur sort. On les avait arrachés de la chambre d’amour, traînés nus jusqu’à la prison où on leur avait jeté quelques vêtements. Puis de lourdes chaînes avaient été bouclées autour de leurs chevilles et de leurs poignets. Et maintenant, ils attendaient.

Mais tandis que Ugo, dégrisé, clamait son repentir à tous les échos et implorait la clémence divine, Parisina revendiquait hautement son crime d’amour. Elle aimait Ugo et voulait que chacun le sût. Les échos de son cachot à elle ne renvoyaient que des cris d’amour. Elle ne savait ce que Nicolo ferait d’elle mais cela lui était égal. Seul comptait Ugo, et s’ils avaient le même sort, fût-il la mort, elle rendrait grâce à Dieu. Dans son exaltation, elle rêvait d’un échafaud en plein soleil, semblable à quelque autel, vers lequel ils marcheraient main dans la main, unis pour l’éternité. Quelle plus belle fin pourraient-ils souhaiter ?

Mais Nicolo d’Este ne voulait pas d’échafaud public, pas de grand soleil, pas d’exécution solennelle trop semblable à une fête. Une nuit, plusieurs hommes entrèrent dans le cachot de Parisina : l’un était le duc, puis venait un moine, enfin, traînant Ugo enchaîné, deux bourreaux fermaient la marche.

— Tu vas mourir, dit Nicolo à la jeune femme. Confesse-toi.

Elle s’agenouilla docilement ; dit ses prières puis, quand le moine lui eut donné l’absolution, l’un des bourreaux tendit à Ugo effaré une hache tandis que l’autre courbait de force Parisina, découvrant son cou mince.

— Frappe ! ordonna l’impitoyable Nicolo.

Avec un cri d’horreur, Ugo rejeta l’arme d’exécution.

— Non… non… pas moi ! Je ne suis pas un bourreau.

— Frappe, te dis-je ! Sinon, je vous traîne tous deux dans la chambre des tortures et elle périra devant toi dans les pires supplices. Vas-tu frapper ?

— Frappe, mon amour, implora Parisina. Je suis heureuse de mourir de ta main… N’aie pas peur.

Alors, avec un frisson de dégoût, Ugo reprit la lourde hache, la leva au-dessus de la jolie tête inclinée. Les yeux clos, Parisina priait de tout son cœur.

Quelques instants plus tard, le bourreau faisait tomber à son tour la tête d’Ugo.


Nicolo d’Este organisa pour les amants adultères des funérailles somptueuses. Les deux corps, revêtus de velours, de brocarts et de joyaux furent exposés dans la cour du château et tout le peuple défila devant eux. Des colliers d’or cachaient, sur les cous mutilés, le passage de la hache.

Puis, par un curieux sentiment de respect pour leur jeunesse et leur amour, il les fit enterrer tous deux dans le même tombeau, unis dans la mort comme Parisina l’avait tant souhaité.

Après quoi, la conscience satisfaite, le duc Nicolo d’Este se mit à la recherche d’une troisième épouse.

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