Avant-propos

L’Italie ! Bien avant de porter l’un de ses vieux noms, elle a occupé mon imagination. Je devais avoir quatorze ou quinze ans lorsque le virus m’a frappée. Cette année-là, André Chamson, alors conservateur du Petit Palais, avait littéralement pillé les musées de la Péninsule, en particulier les Offices de Florence, pour une fabuleuse exposition et, durant des mois, l’Art italien – c’était son titre – a fait courir Paris, la France et une partie de l’Europe du Nord. De Cimabue à Tiepolo – le programme annoncé –, les plus belles œuvres de l’Angelico, d’Uccello, de Botticelli – j’avais un faible pour la Madone à la grenade –, Ghirlandaio, Verrochio, Vinci, Raphaël, Michel-Ange, Titien, Véronèse, Piero délia Francesca sont venus couvrir de leur splendeur les cimaises du palais. C’était un éblouissement que j’ai dû aller contempler une douzaine de fois avec ma mère, mon collège, des amies, des cousins de province, tout ce qui me tombait sous la main pour avoir une occasion d’y retourner. C’était magique !

L’histoire de l’art étant développée de bonne heure dans la chère maison chargée de m’orner l’esprit tout en m’enfonçant dans la tête les ingrédients nécessaires à un baccalauréat convenable, je connaissais déjà les principaux de ces peintres, mais isolément. Leur réunion me fit l’effet d’un feu d’artifice et comme d’habitude, je me suis tournée vers l’Histoire afin d’en apprendre un peu plus sur les personnages de ce monde fascinant, inquiétant aussi par ses ombres, ses contrastes. Les chroniques de Stendhal pour la musique et quelques solides historiens pour les paroles, l’Italie de la Renaissance est un opéra fantastique où le sang et la boue servent de fertilisant à l’épanouissement d’une beauté surhumaine renouvelée de la Grèce antique et des raffinements d’une mosaïque de principautés menées par des personnages de contes fantastiques. Parce que cette Italie-là, qui ne porte pas encore son nom, cela s’écrit Médicis, Borgia – des Espagnols pourtant, comme les Aragon de Naples –, Este, Sforza, etc. Tous mécènes hauts en couleur, épris d’un certain art de vivre mais cruels, débauchés, parfois féroces et sans le moindre souci de la vie humaine, à l’image de César Borgia, vénéré de Machiavel, qui en a fait « le Prince », mais dont le masque de velours brodé d’or cache les ravages de la syphilis…

Les femmes sont à la hauteur de leur démesure, qu’elles soient victimes ou souveraines. Leur beauté a traversé le temps, en route pour l’éternité, leurs excès un peu moins, mais à soulever le coin du voile des siècles, cette « Suite italienne » souhaite leur restituer leur réalité humaine en révélant ce qu’ont caché de douleur, de haine ou de résignation les brocarts scintillants de leurs robes.

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