32

Malgré mon père.

Malgré la disparition d’Arkine de la surface de la Terre.

Malgré les blessures que je panse à l’hôpital et les patients que j’ai vu mourir.

Malgré le fait que ma mère n’est que rarement à la maison et qu’il règne sur la ville la pire chaleur que j’aie connue.

Malgré le fait que mes mains ont l’air d’appartenir à quelqu’un d’autre.

Malgré tout cela, c’est le plus bel été de ma vie.

L’été approchait timidement, telle une jeune fille lors de son premier bal. D’abord pâle, hésitant. Les feuilles des arbres rechignaient à se déployer. Le soleil restait caché derrière les nuages. Saint-Pétersbourg était grise et fatiguée. La fumée des usines planait au-dessus


des toits, trop lasse pour s’éloigner. Au moment où Valentina se résignait aux vents froids venant du golfe de Finlande et renonçait aux pique-niques avec Katia, l’été fondit sur la ville pour la transformer en une cité étincelante et dorée.

C’était la première année qu’ils ne se rendaient pas dans leur domaine de Tesovo pour l’été. Son père était préoccupé et passait son temps soit au ministère, soit enfermé dans son bureau avec un groupe d’hommes en redingote bien coupée et coiffés de haut-de-forme en soie. Ils allaient et venaient avec de lourdes mallettes. Valentina avait décidé qu’elle ne remettrait plus les pieds à Tesovo. Comment le pourrait-elle, après les derniers événements ? Et surtout, elle était incapable de quitter Jens.

C’était un été de promenades, de caresses, tandis que sa blessure cicatrisait. Sa force ne cessait d’étonner la jeune femme quand il la soulevait pour l’aider à franchir un ruisseau ou quand il lui enserrait la taille pour lui permettre d’approcher une coccinelle dans un étang. C’était un été de crèmes glacées et de libellules, d’exploration d’une ville qu’elle voyait sous un nouveau jour car ils étaient ensemble.

Elle emmena Jens à des concerts de Tchaïkovski et Stravinsky, au théâtre Alexandrinski. Il la conduisit à la gare Nikolaïevski pour lui montrer la merveille architecturale de son plafond et lui décrire en détail le fonctionnement des locomotives à vapeur. Elle préférait contempler le grain de sa peau, le vert de ses iris, et écoutait plus volontiers le son de sa voix que le souffle haletant des locomotives.

Un jour, ils s’assirent au bord de la rivière, les pieds dans l’eau, pour humer le parfum de l’herbe fraîchement coupée. Il lui expliqua ses projets de dragage de la baie de la Neva. Ils partagèrent une pomme qu’ils mordirent tour à tour.

Ils emmenèrent Katia en forêt où une biche vint lui manger dans la main. Ensuite, devant la cathédrale Saint-Isaac, Katia se mit à pleurer face à tant de beauté.

Une autre fois, Jens embrassa Valentina sur les marches de l’Hermitage, comme si ce baiser pouvait effacer tous les autres.

Un jour, elle et sa mère regardèrent par la fenêtre Jens et Katia, dans le jardin. Il était en train de redresser une roue de son fauteuil. Elle avait une main posée sur son épaule.

— Tu te rends compte à quel point ta sœur l’aime ? souffla sa mère à son oreille.

Lorsque l’été fit place à l’automne, ils se promenèrent dans une voiture ouverte, sous le ciel nocturne et velouté, pour compter les étoiles. Là, elle lui annonça qu’elle était enceinte.

— Veux-tu m’épouser ? demanda Jens.

Valentina entendait son propre cœur pulser jusque dans ses oreilles. Il prit sa main et la porta à ses lèvres, puis il embrassa son poignet. Le clair de lune sculptait le visage de Jens comme du marbre, mais son regard était brûlant.

— Me feras-tu l’honneur de m’épouser, Valentina Ivanova ?

— Oui.

— Demain ?

Elle éclata d’un rire insouciant.

— Dès que tu le voudras.

— Maintenant.

Elle ferma les yeux et, quand elle les rouvrit, il était toujours là, sa main dans la sienne.

— Jens, j’ai juré à Katia que je ne la quitterais jamais.

— Dans ce cas, elle viendra vivre avec nous. Mes transactions avec Davidov m’ont rapporté bien plus que prévu. Je nous achèterai une superbe maison neuve, avec une chambre pour ta sœur.

À l’entendre, c’était une broutille.

— Merci, mon amour.

Il prit le visage de la jeune femme entre ses mains.

— Je t’aime, murmura-t-il en l’embrassant.

— Je ne suis pas en sucre, tu sais ! s’esclaffa-t-elle.

Il l’attira vers lui et la serra si fort qu’il faillit l’étouffer.

— Je parlerai à ton père dès demain.

— Il ne va pas apprécier.

— Il devra pourtant s’y faire.

Il posa une main sur son ventre encore plat.

— Ce sera un garçon, murmura-t-elle. Un ingénieur qui construira un nouveau Saint-Pétersbourg.

— Une fille. Je veux une fille.

— Qui aura mes cheveux et tes yeux, dit Valentina.

— Et ton talent de musicienne, une fille pleine de courage et d’ambition, une fille à l’esprit vif, comme sa mère.

Une brise fit voleter une mèche de cheveux sur son visage. Elle frémit.

— Tu as froid.

— Non. Je suis exaltée.

Il l’enveloppa soigneusement dans l’épaisse couverture.

— Je te ramène chez toi. Il ne faut pas que tu prennes froid.

— Jens, je ne suis pas malade, je suis enceinte.

Il lui sourit avec une tendresse infinie, puis il fit claquer les rênes sur la croupe du cheval.

— Jens, c’est l’anniversaire de mon père, demain. Il a acheté des places de théâtre pour toute la famille et réservé À l’ours pour le souper. S’il te plaît, accorde-lui une journée de répit. Tu lui parleras après-demain…

— Bon sang ! s’emporta-t-il en se tournant vivement vers elle. N’ai-je pas patienté assez longtemps ? Rien qu’un jour et pas plus !

Durant le trajet, elle se blottit contre sa chaleur. Ses rêves se mêlèrent à ceux de Jens.

Le lendemain, une bruine mit fin à la chaleur qui étouffait la ville. Dans la salle de théâtre qui pétillait de mille feux, la famille Ivanov prit place dans sa loge aux sièges en velours. Le brouhaha des conversations leur parvint. L’élite de la ville exhibait ses bijoux et ses médailles. Les sourires étaient figés sous les diadèmes en diamant. Beaucoup s’étaient endettés pour s’offrir de telles parures. Les usuriers pouvaient se frotter les mains : au sein de la haute société, se montrer au spectacle sans ruisseler de bijoux était trop avilissant.

Si Valentina détestait ces mondanités, la musique avait le don de l’apaiser. Les lumières se tamisèrent et les premières notes du Conte du tsar Saltan retentirent. Les yeux fermés, Valentina se laissa entraîner par les airs de Rimski-Korsakov. Le souffle plus léger, elle imagina la chambre de Jens, une peau de cerf devant le poêle à bois. Elle sentait le contact de la fourrure sur son dos nu, les lèvres de Jens sur son ventre, s’adressant à l’enfant qui grandissait en elle.

— Valentina, ma chère, vous êtes radieuse, ce soir ! Vous éclipsez les lustres.

Elle rouvrit vivement les yeux.

— Capitaine Tchernov !

Il était assis juste à côté d’elle, dans son uniforme écarlate. Abasourdie, elle se rendit compte que c’était l’entracte et que les autres, y compris Katia dans son fauteuil roulant, s’étaient retirés dans le petit salon pour boire du vin, déguster du caviar et saluer des invités. Il n’avait pas changé. Tant de souffrance et il n’avait pas changé ! Un peu plus mordant, peut-être, le regard un peu plus féroce…

— Vous n’avez pas répondu à mes lettres, Valentina.

— Je suis ravie de vous revoir, capitaine. J’ignorais que vous étiez de retour à Saint-Pétersbourg.

— Je vous ai écrit pour vous l’annoncer.

Elle n’avait lu aucune de ses lettres.

— Je vous ai écrit une fois, déclara-t-elle, pour vous informer de la rupture de nos fiançailles.

Il éclata d’un rire tonitruant et prit la main gantée de blanc de la jeune femme dans les siennes.

— Les jeunes femmes sont taquines.

— Non, répliqua-t-elle en essayant en vain de se libérer de son emprise.

Lentement, il porta sa main à ses lèvres. Elle sentit le picotement de sa moustache à travers le cuir très fin.

— Lâchez-moi.

Ils étaient penchés l’un vers l’autre, presque comme des amants, si proches qu’elle décelait une cicatrice rose sur sa joue. En contrebas, les spectateurs regagnaient leurs places dans un brouhaha grandissant. Soudain, elle ressentit sans l’ombre d’un doute la présence de Jens. Il se trouvait au fond de la salle. C’était bien son Viking, grand et fier, les cheveux ébouriffés, sans doute venu uniquement pour la voir. Et il la voyait, en cet instant, avec une main sur les lèvres de ce capitaine des hussards, le visage empourpré, si proche de celui de Tchernov. Elle se leva d’un bond.

— Jens ! lança-t-elle sans se soucier des regards offusqués de certains spectateurs.

Hélas, il avait disparu.

— Soyez maudit, Stepan ! s’exclama-t-elle avant de s’enfuir de la loge.

Elle le trouva au bar, en train de fumer une cigarette, adossé à une colonne en marbre, indifférent à la foule qui l’entourait.

— Jens, j’ignorais que tu étais là.

— À l’évidence.

— Le capitaine Tchernov me saluait, rien de plus.

— De façon très chaleureuse.

— Non, répondit-elle, une main sur sa manche. Ce n’est pas ce que tu crois, Jens. Je t’en prie…

Un cri retentit dans la rue. Un homme portant une cape et un chapeau haut-de-forme scintillant de pluie apparut sur le seuil.

— Le Premier ministre s’est fait tirer dessus ! cria-t-il. Le Premier ministre s’est fait tirer dessus !

La foule retint son souffle. Jens prit Valentina par la taille et se fraya un chemin parmi les spectateurs.

— Que s’est-il passé ?

— Mon Dieu ! Il était au théâtre, à Kiev, ce soir. L’un de ces révolutionnaires sanguinaires a sorti une arme et a tiré sur Stolypine en pleine poitrine. Il n’avait pas de gilet pare-balles.

Des larmes ruisselaient sur les joues de l’homme.

— Il est mort ? Parlez ! ordonna Jens.

— Il paraît qu’il est mourant.

— Stolypine mourant. Dieu vienne en aide à la Russie !

— Vite ! s’exclama l’homme aux personnes présentes dans la salle enfumée. Vite ! On dit que les révolutionnaires sévissent dans tous les théâtres, ce soir. À Kiev, à Moscou. Ils veulent nous massacrer ! Même ici, à Saint-Pétersb…

Il ne put terminer sa phrase. La foule émergea de sa torpeur et céda à la panique. Lâchant leurs verres, les personnes réunies dans le bar filèrent sans demander leur reste.

Valentina n’avait jamais été témoin d’une telle scène de panique. Autour d’elle résonnaient les cris, les appels, les pleurs. Devant le théâtre, sur le trottoir luisant de pluie, gisaient des chapeaux piétinés. Les gens jouaient des coudes pour rejoindre leur voiture en appelant leur cocher, sans se soucier des ordres de la police. Alors qu’elle sortait, Valentina fut bousculée par un agent.

— Jens, ce n’est pas possible !

Ils cherchaient les membres de la famille Ivanov sur les pavés, mais les parapluies masquaient les visages et les hauts-de-forme se ressemblaient tous, dans le noir.

— Que Stolypine soit mort ?

— Non. Que les révolutionnaires s’attaquent à tous les théâtres. Ce ne peut être vrai.

— Il s’agit sans doute d’une rumeur destinée à semer le chaos et la peur. Cependant, ne prenons aucun risque. Reste près de moi.

— Pourquoi ?

Valentina s’arrêta net, obligeant Jens à en faire autant et à la regarder droit dans les yeux.

— Pourquoi ? répéta-t-elle. Qu’ont-ils à gagner à provoquer le chaos ?

— Trouvons ta voiture.

— Non, insista-t-elle en secouant le bras de Jens. Dis-moi de quoi tu as peur ?

Il la fixa d’un air grave.

— Je redoute que quelqu’un n’ait monté cette histoire et provoque de la panique pour faire autre chose.

— Quoi donc ?

— Je l’ignore. Avance, maintenant.

Il l’entraîna dans son sillage.

— C’est la voiture de Papa ! lança-t-elle en tendant la main.

Jens se fraya un chemin dans la foule. Ils rejoignirent les parents de la jeune femme sous la pluie, à côté du véhicule. Le fauteuil roulant était vide.

— Où est Katia ? s’enquit aussitôt Valentina.

— Elle a disparu.

— Qui aurait pu enlever ?

Jens dut répéter sa question. Elizaveta Ivanova était tendue, les yeux dans le vague. Elle porta la main à sa bouche, incapable de prononcer un mot. À l’inverse, son mari pestait, piaffant de colère et d’impatience en s’adressant aux policiers groupés autour de lui :

— Activez-vous donc ! Retrouvez ma fille ! Elle a été enlevée !

Ils avaient tous regagné le théâtre et patientaient sous la pluie devant une porte latérale, celle que les Ivanov avaient empruntée pour sortir, Katia dans son fauteuil.

— Madame Ivanova, racontez-moi une fois de plus ce qu’il s’est passé.

Elle évitait son regard. Ses lèvres frémirent, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

— Elizaveta ! s’emporta son mari.

Jens se posta devant elle et la prit par les bras.

— Katia a-t-elle été blessée lors de la bousculade ? s’enquit-il.

Elle secoua la tête.

— Non, murmura-t-elle. Elle n’a pas cédé à la panique. Elle s’accrochait au fauteuil.

Elle fronça les sourcils en revivant la scène.

— Elle…

Sa voix s’éteignit. Jens se pencha vers elle.

— Que s’est-il passé ?

— Mon mari est parti chercher notre voiture et la princesse Maria et son mari sont arrivés derrière moi.

— Vous leur avez parlé ?

— Oui, dit-elle en frémissant. C’était la panique. Quand je me suis retournée vers le fauteuil, il était vide…

— Maman, intervint Valentina, qui s’exprimait pour la première fois, d’une voix lointaine. Katia était-elle effrayée par les cris ?

— Non, non. Elle était exaltée, au contraire.

Valentina opina de la tête et prit Jens par la main pour l’entraîner à l’écart.

— Viens avec moi.

— Où vas-tu ? demanda son père. Et ta sœur ?

— Papa, je vais la trouver.

La pluie ruisselait sur ses joues. Les lampadaires et les lanternes des voitures dessinaient des ombres sur sa peau, modifiant la forme de son visage. Ses yeux avaient la couleur du charbon.

Elle monta avec Jens sur son cheval, qui serait plus rapide qu’un fiacre. Les rues étaient encombrées et il pleuvait plus fort. Les esprits échauffés provoquaient des accidents, ajoutant à la confusion ambiante.

Héros, le cheval de Jens, contourna les obstacles avec aisance, jusqu’à ce que la circulation soit plus fluide. Jens sentait la chaleur de la jeune femme contre son torse, humant le parfum de ses cheveux mouillés. Emmitouflée dans la cape de Jens, elle le réchauffait, agrippée à la crinière de l’étalon, le corps tendu.

Ils s’étaient querellés :

— Jens, ce sont les révolutionnaires qui l’ont enlevée.

— Mais non ! Réfléchis. Il peut s’agir de ravisseurs cherchant à extorquer de l’argent à ton père.

Pourvu que ce ne soient pas les révolutionnaires, avait-il songé. Ils avaient tendance à égorger les membres de la classe supérieure, hommes ou femmes, comme ils tueraient une poule.

— Non ! avait-elle insisté. Ce sont eux, je le sais ! Ils en veulent à ma famille et ne seront satisfaits que quand nous seront tous morts.

Un silence pesant s’était installé entre eux.

Il l’avait emmenée avec lui parce qu’il ne supportait pas de la laisser seule dans les ruelles de Saint-Pétersbourg. C’était de la folie.

L’ouvrier de la fonderie et sa femme, celle qui avait dormi avec ses enfants morts dans son lit, étaient chez eux. En entrant dans la pièce, Jens balaya les lieux du regard. Au moins, la maison était plus propre que la dernière fois. Ils le toisèrent avec méfiance, les bras croisés derrière la table sur laquelle étaient posées deux chopes de bière. Arrosaient-ils un succès ?

— Il est mort, annonça Ivan d’un air suffisant. Le Premier ministre Piotr Stolypine est mort.

— Pas encore, corrigea Jens. Il est blessé, d’après mes informations.

La femme regardait fixement Valentina.

— Qu’est-ce qu’elle a ? demanda-t-elle.

— Ma sœur, dit Valentina. Où est-elle ?

— La fille en fauteuil ?

— Oui. Elle a été enlevée. Je crois que vos révolutionnaires l’ont capturée. Je veux que vous alliez voir vos amis pour savoir où elle est détenue.

Ivan et Varenka secouèrent la tête. Jens s’avança et frappa du poing sur la table.

— Je vous verserai à chacun six mois de salaire.

Leurs yeux se mirent à pétiller d’intérêt.

— Seulement si vous découvrez où se trouve sa sœur, ajouta Jens.

— Pourquoi des révolutionnaires voudraient-ils l’enlever ? s’enquit Varenka.

— Pour faire pression sur son père, le ministre Ivanov.

— Et si on refuse ? dit Ivan en bombant le torse d’un air provocateur.

— Je serai contraint d’insister, répliqua Jens.

Jens se montra moins patient que Valentina. La pièce aux murs humides et au plafond fissuré était étouffante. Chaque fois que Varenka jetait une bûche dans le poêle, de la fumée jaillissait et se déposait sur les meubles et dans leurs poumons. La vérité était aussi nébuleuse.

Or il y avait souvent un gouffre entre les propos d’une personne et ce qu’elle croyait vraiment. Dans leur lutte pour le pouvoir, bolcheviques et mencheviques s’affrontaient tels des chacals se disputant une carcasse. Ils réclamaient la justice et l’égalité à grands cris. En quoi était-il juste d’enlever une jeune fille handicapée ? Où était la justice quand les faibles se faisaient dévorer par les forts ?

Valentina, mon amour, sois prudente.

Ils s’attablèrent. Jens tenait la main de Valentina dans la sienne sous l’œil attentif de Varenka. Accroupie près du feu, elle sirotait sa bière. Pendant deux heures, ils attendirent ainsi. Il percevait la tension de Valentina, imaginait le cheminement de ses pensées, sa peur pour sa sœur. Soudain, elle serra sa main dans la sienne et le regarda droit dans les yeux. Il veillait sur elle, mais pas assez, visiblement. Quatre hommes déguenillés, la casquette trempée, surgirent dans la pièce, derrière Ivan. L’air froid de la nuit s’engouffra avec eux dans la pièce. Jens se leva. Valentina ne tourna pas la tête vers les nouveaux venus, comme si elle savait déjà ce qu’ils allaient dire. Ivan alla se réchauffer près du feu.

— Alors ? demanda-t-elle, les yeux toujours rivés sur Jens.

— Toi, fit Ivan en pointant un index sur Valentina, tu viens avec nous. Et toi, dit-il à Jens, tu restes ici.

— Hors de question ! s’exclama-t-il.

Elle se leva d’un bond et prit son visage entre ses mains.

— Je suis désolée, mon amour, murmura-t-elle en effleurant ses lèvres d’un baiser.

Soudain, le sol parut se soulever sous les pieds de Jens et une explosion retentit dans sa tête. Son cerveau se brisa en mille morceaux. La douleur du coup le projeta dans un trou noir sans fond.

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