Chapitre 19
Pour s'éloigner et gagner le refuge des bois, il fallait profiter de l'obscurité qui régnait encore. Piksarett avait son arc et ses flèches. Sous la protection de l'Indien, le jeune homme pourrait parvenir sain et sauf au campement des Mic-Macs. Les deux silhouettes se glissèrent au-dehors et se fondirent aussitôt dans l'obscurité.
Angélique grelottait de malaise. La fièvre la tenait bien. Elle toussa et, tentée de se pelotonner à nouveau sous les peu confortables couvertures, elle s'admonesta. Elle devait profiter de ce qu'elle était debout pour s'administrer quelques soins. Se préparer une boisson, poser un pansement sur son pied qui s'envenimait de nouveau, sinon elle perdrait toutes forces et l'on pourrait venir l'étrangler sur sa couche comme les reines maudites de jadis, sans qu'elle puisse seulement presser la gâchette de son arme.
Elle jeta une bourrée de genêts sur les braises encore ardentes et boitilla à travers la pièce pour aller prendre dans le cuveau de l'eau dont elle remplit une petite marmite qu'elle pendit à la crémaillère. Elle déchira un peu de charpie, prépara un baume, choisit des simples à infuser, et s'assit sur la pierre de l'âtre, attendant que l'eau commençât de bouillir.
Ses efforts l'avaient épuisée, elle était trempée de sueur. Elle se drapa dans une couverture, la resserrant autour de ses épaules à la façon indienne. Elle appuya son front à la pierre, regardant danser la flamme, se laissant aller à un état de demi-songe où voguaient ses pensées, lucides, vives, mais sans aucun pouvoir sur ses actes, indolores, aurait-elle pu dire.
Et celle qui entra, profitant de la porte entrebâillée qu'Angélique n'avait pas songé à verrouiller, ni même à clore, après le départ de Piksarett, elle la sentit moins comme une présence humaine que comme un esprit qui se glissait vers elle, un fantôme qui aurait pu aussi bien traverser les murs et perdait son pouvoir effrayant de n'être plus charnel.
Elle songea incidemment que Piksarett n'était plus là pour la défendre, qu'il lui faudrait peut-être appeler, s'armer. Mais son instinct lui confirmait que le danger ne s'adressait pas – pas encore – à sa vie. Et elle ne bougea pas. L'esprit la visitait. C'était un jeu, des coups seraient échangés. Un peu de sang coulerait, une griffure. Ce n'était rien ! L'autre se retirerait en léchant ses plaies. Il fallait tenir. Demain, après-demain, Joffrey serait là...
– J'ai vu de la lumière chez vous..., dit Ambroisine. Vous ne dormez donc pas ?... Vous ne dormez « donc » plus ?
Elle voulait prendre sa revanche. Elle s'appuyait à l'auvent de la cheminée rustique et la lueur de la flamme modelant ses traits de bas en haut leur donnait ce relief qu'on prête volontiers aux représentations de Méphisto, lorsqu'il surgit aux yeux de Faust du brasier de l'Enfer ; soulignées de noir ses prunelles allongées avaient un éclat d'or liquide, la courbe de ses sourcils paraissait démesurée, l'ossature accusée effaçait la grâce habituelle de la physionomie et la transformait en un masque fait d'ombres et de méplats d'une chair translucide comme l'albâtre.
Ce n'était ni beau ni laid. C'était étrange. Et l'on eût dit une statue, aux orbites ouvertes par lesquelles des yeux humains auraient regardé.
Angélique songea qu'assise sur la pierre de l'âtre elle bénéficiait d'un autre éclairage et avait l'avantage. Mais cette satisfaction relative resta fugitive. Elle fut saisie d'une quinte de toux, et dut chercher son mouchoir.
– Vous êtes malade, constata Ambroisine avec une intense jubilation. Voyez quel est mon pouvoir. En quelques jours vous avez perdu votre triomphante santé.
– Tout le monde peut s'enrhumer, dit Angélique, ce sont des choses qui arrivent continuellement aux humains sans qu'on ait besoin de convoquer l'arrière-ban des Enfers pour cela.
– Vous plaisantez encore, fit Ambroisine en grinçant des dents, vous êtes incorrigible ! Vous ne comprenez donc pas que vous allez mourir... Vous devriez déjà être morte cent fois... Si vous ne l'êtes pas encore, c'est parce que je n'ai pas voulu vraiment... Mais le jour où je signerai le décret...
– Non, ce n'est pas pour cela. C'est parce que moi, j'ai la « baraka ».
– La baraka ?
– C'est un sort. Les Arabes disaient que j'avais la « baraka ». Mektoub : c'est ainsi. Cela veut dire que je ne peux mourir de la mort voulue par mes ennemis.
– Sottises !
Mais l'explication d'Angélique avait éveillé en la duchesse une inquiétude. Elle se mit à marcher de long en large, drapée dans son grand manteau noir. Elle redevenait belle avec ses cheveux sur ses épaules, son visage parfait, hardi et animé, ses lèvres rouges laissant briller l'éclat des dents à demi révélées.
– Dites-moi, interrogea brusquement Angélique, profitant du trouble qu'elle devinait. Qu'est donc pour vous le père d'Orgeval ?
– Je l'ai toujours connu, répondit Ambroisine. Nous étions trois enfants qui couraient dans la campagne, là-bas, en Dauphiné. Il n'y a jamais eu d'enfants aussi forts que nous. Nous étions habités par le feu, par mille esprits ardents. Nos châteaux étaient proches, c'étaient des demeures sombres et hantées et ceux qui les habitaient étaient plus bizarres et imprévisibles que les fantômes. Il y avait son père à lui, farouche et terrifiant, qui l'emmenait massacrer les protestants ; il y avait ma mère, la Magicienne, qui connaissait l'art du poison, et mon père, le prêtre, qui convoquait le diable ; il y avait ma nourrice, la mère de Zalil, qui était sorcière et lui apprenait à clouer les chauves-souris aux barrières des champs et à déposer les crapauds morts au seuil des portes. Mais lui était plus fort que tous avec son œil bleu magique. Pourquoi nous a-t-il trahis ? Pourquoi a-t-il rejoint cette armée d'hommes noirs avec leurs croix sur le cœur. Il a voulu se mettre du côté du bien. Il est fou. Mais on ne peut effacer ce qui a été. Il me connaît, il sait ce qu'il faut obtenir de moi et parfois cela me complaît de le servir comme autrefois. À la limite de l'Enfer, nous devenons complices... Comprenez-vous ?... Le jour, par exemple, où vous serez vaincue... Alors je l'aurai rejoint... Et peut-être qu'il se souviendra de moi. Son mépris, son absence, sa supériorité, c'est comme un fer rouge. Un jour, je demanderai à Zalil de le tuer.
– Qui est Zalil ?...
Ambroisine ne répondit pas. Elle eut deux ou trois frissons convulsifs et elle ferma les yeux comme revoyant les jours passés.
Les choses se reliaient. Zalil, ce devait être l'homme pâle, le frère dont avait parlé Pétronille Damourt. « Il y avait ma nourrice, la mère de Zalil !... » une alliance infernale, mais qui s'atténuait de rejoindre des formes terrestres : une noble dame, engageant sa fortune, pour réaliser à la fois conquêtes et bonnes œuvres, au nom de Dieu et du roi, son amant, pirate, l'assistant dans cette œuvre. Un complot terrestre. Des trois enfants « traversés » par le feu, chacun avait suivi sa voie. L'un était devenu jésuite, l'autre la noble duchesse de Maudribourg à l'intelligence étincelante, le troisième l'homme-au-gourdin-de-plomb. Seules les passions fanatiques qui n'avaient cessé de les habiter les liaient encore à travers leurs destins disparates.
– Vous voyez, dit Ambroisine en rouvrant les yeux avec un sourire, je vous dis tout et vous commencez par tout savoir. C'est pourquoi il faut que vous mourriez maintenant. J'ai longtemps hésité ! Je laissais le sort décider. Cela m'amusait de voir comment vous resurgissiez des dangers. La baraka ?... Non, je n'y crois pas. C'est ma non-décision qui vous protégeait. Maintenant ma mission n'a que trop duré. Il faut en finir. Vous mourrez demain.
Elle parlait d'une voix monocorde et affectée. Ce désaccord entre le ton mondain et le contenu de ces paroles traduisait le désordre de sa pensée. Angélique répondit sur le même ton.
– Je vous remercie de m'avertir. Je m'évertuerai de prendre des dispositions nécessaires, en accord avec vos projets.
Ambroisine le regarda farouchement.
– Vous vous amusez donc toujours ?
– Oh ! Non, pas toujours, tant s'en faut...
– Vous avez vraiment mauvaise mine, reprit la duchesse de Maudribourg, que l'évident malaise d'Angélique parut rasséréner. Vous n'êtes pas si forte que vous voulez vous en donner l'air, mais j'aime que vous vous battiez bien. Vous avez la vitalité d'un goéland. Savez-vous qui m'a fait ce compliment à votre propos un jour ? Un nommé Desgrez. Un homme fort curieux et trop curieux... Un policier pour tout dire. J'avoue qu'en grande partie j'ai voulu quitter le royaume pour n'avoir pas à le rencontrer souvent. Il s'intéressait un peu trop à mon amie Mme de Brinvilliers, votre voisine à Paris. Vous ne vous souvenez pas ! Mais elle se souvenait de vous, des fêtes que vous donniez dans votre hôtel de Beautreillis. Ce François Desgrez, quel monstre !
« J'ai dit à Marguerite qu'elle suive mon exemple, fuir... Cela lui coûtera cher... Tant pis pour elle. Mais c'est lui qui, un jour que nous évoquions Mme du Plessis-Bellière, la maîtresse du roi si mystérieusement disparue, a dit : « Elle avait la vitalité d'un goéland... » Il semblait bien vous connaître... C'est étrange, n'est-ce pas ? Vous m'attiriez déjà par votre légende... Et voilà que je vous retrouvais aux côtés de celui que l'on m'avait chargée d'abattre en Amérique... Le monde est dominé par quelques êtres... Les autres ne sont que des comparses, de la poussière... Quelle exaltation d'avoir à vous affronter et à vous vaincre ! Mon plaisir en était déjà décuplé... Vous connaître assez pour vous faire trébucher, vous qui aviez tenu tête au roi, vous avoir à ma merci. Tout être humain possède une faille par laquelle la peur s'engouffre et par laquelle fuient ses forces. J'étais décidée à la découvrir. Quel excitant mystère que votre personnalité ! Ce ne fut pas facile. Votre perspicacité, votre instinct que je sentais en éveil. Quelle peur j'ai eue lorsque vous m'avez dit un jour : « Ce n'est pas par hasard que vous avez débarqué ici ! » Je ne sais plus comment j'ai réussi à détourner votre attention !...
« Mais enfin vous voici vaincue, perdue... C'est pourquoi j'ai décidé que vous deviez mourir.
– Non, ce n'est pas pour cela. En vérité, vous voulez que je disparaisse parce que vous sentez qu'il approche. Celui dont vous redoutez la confrontation, mon mari, le comte de Peyrac. Demain peut-être il sera là et alors vos mensonges éclateront au grand jour, plus rien ne tiendra de ce que vous avez échafaudé pour abuser l'esprit de ceux qui vous entourent. Vous vous trouverez seule sans aucun recours devant le châtiment qui vous attend.
Ambroisine ne parut pas frappée par ces paroles. Étonnée seulement.
– Vous me surprenez, fit-elle du bout des lèvres avec dédain, n'arrivez-vous donc pas à vous persuader que votre comte de Peyrac ne vous appartient plus ? Que faudra-t-il que je vous apporte comme preuves pour que vous soyez convaincue qu'il a été mon amant ? Vous êtes bien naïve ! Dès qu'il m'a vue à Gouldsboro, il a été fasciné par moi, il me l'a dit...
Dès qu'Ambroisine touchait à Joffrey, Angélique sentait comme son sang se retirer de ses veines. Elle avait l'impression que son cœur s'amenuisant cessait de battre. C'était bien là, en elle, la faille dont tout à l'heure l'autre avait parlé avec une si savante et si diabolique intuition... Cette faille que cache en lui tout être humain par laquelle « la peur s'engouffre et les forces s'écoulent »…
Elle se tut, rassemblant sa volonté à ne rien laisser transparaître.
– Quelle sensation ! murmura la duchesse, susciter dès le premier instant l'admiration et le désir d'un tel homme ! On m'avait dit de lui : « Quoiqu'il soit de mœurs libres, ce n'est pas un homme facile à séduire. Une seule femme semble avoir retenu son cœur, s'il en a un. Celle qui vit avec lui actuellement et qu'il prétend être sa femme. La partie sera dure... » Oh ! certes ! Mais d'autant plus exaltante : vous ! lui ! Et dès le premier instant, le premier regard, une telle victoire...
– Vous vous embrouillez, je crois, fit remarquer Angélique avec froideur. Ne m'avez-vous pas fait, il n'y a guère, l'aveu de votre souffrance lorsque vous éveillant vous nous avez vus tous deux à votre chevet et que vous avez compris que nous nous aimions...
– Ah ! Oui, mais j'étais bien sotte de me tourmenter... Dès le lendemain, il me fit porter un message d'amour. Et vous, maintenant, vous vous rassurez en pensant aux paroles ardentes qu'il vous a dites ce soir-là... Mais déjà il m'avait vue, il voulait endormir vos soupçons, afin d'être libre de me faire la cour...
Joffrey ! Joffrey ! Debout au chevet d'Ambroisine, son regard énigmatique fixé sur ce corps de déesse, que dans sa comédie de malade égarée par le délire elle découvrait impudiquement. Et Adhémar, jocrisse de tragédie, ponctuant la scène de ses réflexions : « Pour une femme bien roulée, on peut dire que c'est une femme bien roulée, pas vrai, monsieur le comte ! »
Infâme ! Insoutenable ! Voici qu'Angélique sentait un rire nerveux la gagner à la seule évocation d'Adhémar. Il fallait se contenir, ne pas se laisser aller. Malgré tout, la tête d'Adhémar se superposait dans sa vision à la scène insupportable. C'était irrésistible ! Oh ! quelle douleur... de ne pas savoir ce que Joffrey pensait à cet instant ! Quelle douleur qu'il lui fût encore si inconnu ! Serait-elle toujours seule sur la terre ?
– Comme vous êtes difficile à atteindre ! chuchota Ambroisine qui l'observait avec une attention cruelle... Vous êtes si belle et si émouvante !... Que je voudrais presque... vous donner la victoire !... Mais c'est impossible... Je veux que vous sachiez tout... Oui, le lendemain de ce jour il m'a fait porter un billet, presque une missive, où il me disait en termes inoubliables quelle impression j'avais faite sur lui, qu'il connaissait aussi mes titres en Sorbonne, qu'il s'enchantait de m'avoir en ses domaines, se réjouissant de pouvoir discourir enfin avec un véritable esprit savant, car il était cruellement sevré de tels plaisirs en Amérique, mais qu'au delà de cette satisfaction celle de rencontrer une aussi jolie femme dominait encore, et tant de fins compliments que j'ai dû relire à plusieurs reprises ces lignes pour m'en pénétrer...
Le bras d'Angélique s'était levé presque machinalement vers Ambroisine.
– Que voulez-vous ? demanda celle-ci s'interrompant et regardant sans comprendre la main ouverte.
– Montrez-moi ce billet.
Une lueur traversa le regard fauve de son ennemie.
– Décidément vous êtes étonnante ! Vous ne craignez pas de souffrir !
– J'ai connu pire, répondit Angélique d'un air détaché, et songeant, à part elle, que ce n'était pas vrai, qu'elle n'avait jamais rien connu de pire que ce qu'elle traversait en cet instant, cette angoisse taraudante d'avoir à douter de lui, d'être sur le point de recevoir la preuve tangible de sa trahison et de le perdre à jamais.
– Et si je vous disais que je n'ai pas conservé ce billet.
– Alors je vous dirais que vous en avez menti et je ne croirais pas un mot de ce que vous venez de me raconter.
– Dans ce cas... tant pis pour vous.
Ambroisine porta la main à l'aumônière brodée de perles qu'elle portait toujours à sa ceinture.
– Je l'ai conservé. J'aime relire ces mots qu'il m'a adressés en ces premiers jours de notre rencontre... Je sais goûter ce qui vient de lui. Les hommes aiment être flattés. Peut-être n'avez-vous pas su apprécier assez ce qu'il vous accordait puisqu'il s'est lassé de vous.
La vie d'Angélique était suspendue à ces doigts féminins, cherchant parmi les objets de l'aumônière.
« Si elle ne le trouve pas c'est qu'elle ment », se répétait-elle.
– Ah ! Le voici, dit Ambroisine.
Angélique reconnaissait le vélin qu'utilisait le comte de Peyrac à Gouldsboro et lorsque Ambroisine, ayant déployé le feuillet, le tourna vers elle, elle put également reconnaître de loin sa rapide écriture de savant.
– Étonnée ! répéta-t-elle.
Ainsi, recroquevillée sur la pierre de l'âtre, enveloppée frileusement dans sa couverture et tendant la main, elle avait conscience de son attitude de pauvresse.
Mais elle était sans force pour se lever et affronter Ambroisine à égalité.
– Vous êtes livide, remarqua celle-ci avec un mauvais sourire, vous défaillez... C'est curieux, vous êtes vraiment la seule personne qui m'ait jamais inspiré comme un sentiment de pitié.
Puis paraissant se décider.
– Non, je ne veux pas que vous lisiez ces mots d'amour qu'il m'adressait... Ils vous achèveraient... Je veux vous épargner.
Et elle se pencha pour enflammer la missive qu'elle tenait.
Mais plus prompte qu'elle Angélique se détendit, lui attrapa la main pour la retenir et lui arracha la lettre.
– Tigresse ! cria Ambroisine.
Effrayée, elle regarda perler à son poignet quelques gouttes de sang. Les ongles d'Angélique s'étaient enfoncés dans sa chair.
« En brûlant cette lettre elle voulait me condamner au doute, pensait Angélique, à ne jamais savoir ce qu'il lui avait écrit vraiment. »
Elle tremblait tellement qu'elle dut attendre avant de pouvoir déchiffrer les mots qui dansaient sous ses yeux. Elle savait déjà, à cause du geste d'Ambroisine, qu'elle ne lirait que des termes anodins.
En effet, ce n'était que des formules mathématiques, accompagnées de chiffres.
Mais si dure avait été l'épreuve à traverser qu'elle n'éprouvait même pas de soulagement à constater le mensonge d'Ambroisine.
– Ainsi, une fois de plus, dit-elle en regardant celle-ci, une fois de plus vous avez voulu m'abuser... jamais vous n'avez reçu de lui une lettre d'amour... Encore une de vos infâmes comédies. Ces mots, vous lui avez demandé de vous les rédiger sous un prétexte quelconque ou bien vous les lui avez subtilisés à Gouldsboro, comme vous avez réussi à subtiliser son pourpoint. Vous furetiez partout. Vous prépariez vos pièges. Mais vos ruses sont grossières...
Un coq chanta au-dehors. Le jour se levait.
Ambroisine tamponnait avec précaution sa peau délicate meurtrie.
– Vous êtes d'une méchanceté et d'une brutalité inouïes, dit-elle.
Elle se reculait vers la porte avec cet air sournois et puéril qu'elle prenait chaque fois que cela ne « marchait pas » comme elle, l'avait voulu...
– Ne me regardez pas ainsi. Vos yeux me hantent. Quand vous serez morte, je les crèverai.