Chapitre 20
À bout de forces, Angélique barricadait sa porte et allait s'abattre sur son lit. Oh ! Ces apparitions d'Ambroisine ! Chaque fois versant un fluide corrosif qui sapait sa résistance. « La prochaine fois... je ne pourrai plus... je ne pourrai plus... la supporter... »
Toute la verve de Villedavray, avec son courage tellement à la française de petit marquis en dentelles, n'arriverait plus à la défendre de l'emprise démoniaque qui se resserrait.
Un démon succube, au ravissant visage, passant et repassant dans les tourbillons du vent. Un cachemar ! Un symbole ! L'ennemi éternel rôdant à son chevet, cherchant à forcer sa porte, la porte de la forteresse de son cœur, où elle gardait son amour... Déjà une fois, les légions maudites avaient tout ravagé.
Elle grelottait de fièvre. Son esprit vacillait. Elle avait dit à Colin : « Ne crains rien, je ne deviendrai pas folle ! »
Et voici que la Démone l'amenait aux frontières du péril. Et dans un sursaut : « Non, je ne te donnerai pas cela, vile créature, esprit démoniaque, esprit impur ! » De tenir serrée entre ses doigts la feuille froissée couverte de signes cabalistiques ne la soulageait pas. Trop profonde avait été la peur ; elle rejoignait celle qui l'avait hantée de si longues années et que réveillait l'évocation curieuse de noms anciens, tellement inattendus en ce lieu, au point qu'elle croyait avoir rêvé les entendre tomber des lèvres d'Ambroisine : Desgrez le policier, l'hôtel de Beautreillis, la marquise du Plessis-Bellière... la belle marquise si mystérieusement disparue – elle – , échouée aujourd'hui dans une masure d'Amérique, jouant une fois de plus son destin, comme si la vie jamais ne finirait d'aiguiser sa plume pour y inscrire en face d'elle, en termes chaque fois plus exigeants, un éternel défi.
Tout réuni en un seul point. Cela faisait comme ces boules d'épineux que la tempête transporte sur les plages, cela se ramassait, roulait vers elle pour l'écraser. Il y avait comme une avalanche de visages qui dégringolaient alentour : le Pâle, le Borgne, le Morne, l'Invisible, quatre-vingts légions !...